TROU NOIR

Voyage dans la dissidence sexuelle

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Qu’allons-nous faire de toutes ces fiottes ?

L’affiche officielle de la Marche des fiertés parisienne de 2025 est au centre d’un des plus grands débats interne à la communauté LGBT+ : les signes de l’Islam, de la Palestine et du fascisme ne manquent pas d’indigner les courants les plus épris de pouvoir. Il fallait bien un professeur au Collège de France (William Marx), le directeur de la rédaction de Têtu (Thomas Vampouille) et un chef de bureau au Ministère de la Justice (Arnaud Abel) pour converger dans la lutte contre l’Inter LGBT en particulier et contre les solidarités antifascistes en général. Trois bonhommes bien placés et usant de leurs petits prestiges qui n’hésitent pas à réécrire l’histoire des mouvements d’émancipation sexuelle, à soutenir bon gré mal gré les éléments de langage islamophobes et antiwokes du camp réactionnaire, et à se positionner en défense d’un statu quo libéral, sécuritaire et républicaniste.
Dans ce texte, Mickaël Tempête prolonge l’ultime phrase de son essai sur l’homophobie La Gaie Panique (Éditions Divergences) : « Sur une planète de 8 milliards de fiottes, les possibilités de branchements sont astronomiques ». Ici les branchements sont en surtension, menacent de faire craquer la normalité ; et les fiottes sont le nom de cette totalité humiliée, impossible à conserver dans leur unité historique. La Marche des fiertés est devenue le lieu de l’interrogation suivante : qu’allons-nous faire cette totalité numérique invoquée à chaque fois qu’on parle de et pour la communauté LGBT+ ?

Tout le monde est une fiotte.
Les plus mauvais sketchs de stand-up sont réalisés par des fiottes. Toutes les évasions de prison, les désarrestations et les assassinats de dirigeants de compagnies d’assurance sont le travail de fiottes. Les pédés sont des fiottes éternelles, les gouines des fiottes manquées mais des fiottes quand-même, et peut-être les premières fiottes. Les voix qu’entendait Jean d’Arc étaient des voix de fiottes. Pêle-mêle, toutes ces choses sont en provenance de fiottes : les hélicoptères, les téléphones, le dogpiling, les flagrants délits, les masques de beauté, l’armée, les trottinettes électriques qui prennent feu dans les immeubles, les trottinettes électriques en libre service, les trottinettes électriques en grande surface, et les trottinettes électriques en général, la géométrie euclidienne, la poésie, les jockstraps, les joueurs de foot, les mooks, la race, le féminisme, la queerness et la pensée straight. Les fiottes règnent en maîtres sur les jeux suivants : le Loto, le Monopoly, la pétanque, les blind-tests, le backgammon, le mah-jong, la balle au prisonnier, chat-bite.
Celle qui a jeté la première brique au Stonewall était une fiotte ; la seconde, la troisième et les suivantes aussi. Celles qui ont reçues toutes ces briques sont, de surcroît, de gigantesques fiottes. Parfois, une fiotte peut en contenir une autre, par exemple : du lubrifiant (fiotte) dans un tube en plastique (fiotte aussi). Le sexe entre fiottes n’est ni meilleur ni moins bon que les autres modes de rapport sexuel parce qu’aucun autre mode de rapport sexuel n’existe. Les fiottes incitent à la violence. Elles se tordent dans tous les sens, sur elles-mêmes, contre elles-mêmes ; elles enveloppent l’intégralité des surfaces lisses et rugueuses du monde.
Je suis moi-même une fiotte depuis la naissance, mis au monde par césarienne par ma fiotte de madre. Et toi, cher lecteur, chère lectrice, chaer lecteurice, tu es une fiotte aussi, même – en particulier – si tu n’es pas gay, trans, gouine, non-binaire, homosexuel, pédé.

Puisque la totalité du monde est une fiotte, la fiotte n’a pas de revers ni de contraire.

Les fiottes ont longuement fait croire qu’elles pouvaient rester en paix entre elles, drapées dans leur innocence faite de progressisme et d’amour universel, mais il arrive que les récits qu’on se raconte s’essoufflent et perdent de leur superbe, on n’y croit plus et le doute s’installe. Il y a un bug dans la matrice des fiottes. Le président de la République est, bien entendu, une fiotte.

Une fiotte qui doute de sa métaphysique est une fiotte prête pour la guerre.

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La Marche des fiertés est un grand rassemblement annuel de fiottes dans un pays de fiottes. Et la polémique sur l’affiche et le slogan officiels de la pride parisienne de cette année est le symptôme d’une panique générale chez les fiottes. Tout d’un coup, la Marche se rappelle à sa dimension conflictuelle contre la mise en ordre des dominants. Sur l’affiche, les objets de la discorde sont multiples (femme voilée, badge aux couleurs du drapeau palestinien et fasciste gris en costume trois-pièces K.O. tenu par sa cravate). La panique morale a pris corps au milieu des fiottes, orchestrées par des fiottes contre d’autres fiottes, avec des méthodes de fiottes pour faire disparaître des fiottes galeuses. Elles ont enfilé leurs bottes républicaines et ont marché sur les fiottes communistes. On peut les nommer : Beit Haverim, Fiertés Citoyennes, Gay Lib, Flag, L’Autre cercle, Éros. Elles sont allées pleurer auprès de Valérie Pécresse, fiotte Manif pour tous, de la DILCRAH, fiotte institutionnelle et de CNews, fiotte milliardaire. Le sénateur Hussein Bourgi, fiotte socialiste, s’abaisse à jouer les troll dans des commentaires facebook en qualifiant l’Inter-LGBT de « bande de tocards décérébrés ». Le professeur au Collège de France William Marx, grand défenseur « de l’amour et du désir entre deux hommes ou deux femmes », panique à l’idée d’un grand remplacement des gays et lesbiennes par « la question trans », comme si être trans n’était pas aussi l’expression d’un désir mais seulement d’une crispation identitaire. Monsieur le professeur, trouve aussi que le propos de l’affiche manque de clarté : « mettre en scène dans une marche pro-gay une femme voilée brouille considérablement le message ». Grâce à cette convergence des luttes sécuritaires, ces fiottes ont obtenu gain de cause : la suppression de la subvention régionale attribuée à l’organisation de la Marche.

Ces fiottes républicaines disent : pas-de-politique. Elles disent : quel-est-le-rapport-entre-la-palestine-et-nos-droits- ?

Les fiottes radicales répondent que le rapport c’est l’antifascisme et que le rôle de la politique c’est de l’étendre.

En même temps, il n’y avait pas besoin d’être Paco Rabanne pour prédire que la Marche des fiertés aboutiraient à cette guerre des fiottes. Le ver était dans le fruit. Les fiottes républicaines ont perdu le pouvoir sur l’Inter LGBT et, à défaut de le reprendre immédiatement, elles fomentent une panique morale, un grossier mélange d’angoisse blanche et de fausses informations. Les réactions et la polémique vis-à-vis de l’affiche s’expliquent par des stratégies d’opinions publiques et de seuils de sensibilité. Ces seuils n’ont rien de rationnels et c’est pourquoi ils peuvent êtres manipulés.
Les fiottes républicaines ont inventé la soumission de notre joie aux marchandises éternelles, et elles inventent aujourd’hui la nostalgie de cette soumission. Le même flashback tourne en boucle : des milliers de LGBT+ arcs-en-ciel qui dansent – « Au nom de l’amour » – derrière des chars Mastercard, Airbus, Apple, République en marche, Google, Amazon, etc. Aujourd’hui la « République » est cette nouvelle marchandise, tout aussi coûteuse et aliénante, à laquelle ces fiottes veulent nous soumettre par la force.

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On pourrait profiter de l’occasion pour se demander ce à quoi peut servir une Marche des fiertés, non pas seulement maintenant en période de fascisation, mais tout le temps, annuellement, répétitivement, commémorativement. Quelles en sont ses potentialités et ses limites ?

Potentialités. Se donner rendez-vous tous les ans nous oblige à ne pas nous reposer sur nos lauriers. A chaque édition, nous devons faire le point sur ce qu’une politique LGBT+ veut dire, où elle en est, quels sont ses buts et ses moyens. Car le geste politique est celui de la répétition qu’il faut sans cesse remettre sur le tapis. Et puis, il y a le poids des ans et des événements historiques qui s’accumulent, les injustices du passé qui demeurent sans réparation et qui attendent qu’on leur réponde. La Marche est une fête du présent qui ne saurait faire de compromis avec l’Histoire, elle s’adresse à la communauté actuelle pour lui dire qu’elle doit transiger sur le sens historique. Plutôt qu’une triste commémoration avec gerbes fleuries et discours plombants, la Marche assume une dimension festive laissant la place à l’expression des désirs, des corps en demandes, des attentes fugaces et profondes, que nous prenons au sérieux par la fête. Enfin, en étant large et ouverte, la Marche permet aux désaccords internes à la communauté de s’exprimer et de trouver des points de contact (et pas forcément de réconciliation, les écarts peuvent et doivent s’assumer) à une échelle massive.

Limites. Comme à un repas de Noël en famille, certains (la majorité) exigent qu’on mette les clivages de côté et qu’on s’unisse au moment de la Marche. Mais c’est ignorer que ce qui organise et structure une Marche est déjà en soi un clivage. Je ne parle pas ici nécessairement des personnes ni des associations organisatrices, mais plutôt des méthodes et de la forme qu’elle prend. Par sa dépendance aux subventions, aux attentes médiatiques, à la « sécurité » et au pouvoir, la Marche des fiertés a produit une communauté normalisable dans et par le capitalisme. Cette normativité LGBT+ repose sur quatre aspects : narratologique (réécriture de l’histoire), racial (supériorité occidentale), socio-économique (émancipation libérale) et esthétique (visibilité et représentativité). Elle a permis aux LGBT+ urbain·es et blanc·hes « de gouverner les imaginaires esthétiques, érotiques, matériels et affectifs de nombreux queers qu’iels habitent en ville, à la campagne ou entre les deux » (Scott Herring).

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L’œil inquisiteur des fiottes modérées,
Téléguidées par un instinct protecteur,
Et motivées par un devoir de conformisme sont
A la recherche de coupables idéales
En temps de fascisation des conduites :
Elles disent : « Les coupables sont celles qui résistent,
Pas les fiottes républicaines, ni les fiottes-policières » ;
Elles disent : « Laissons là cette affiche… mais pas notre marche ! »
Elles disent que les fiottes marginales doivent rester dans leur fosse à purin,
Qu’elles ne rejoignent surtout pas le centre,
Le centre de la partie étant une propriété privée
Des fiottes modérées, des paniquardes
Effrayées d’un rien, réagissant toutes ensemble,
Mimétiques l’une de l’autre.
Elles pourraient former l’objet privilégié d’une expérimentation
Des comportements de classe moyenne
Quand la normalité craque (bug dans la matrice).

Les fiottes modérées semblent toujours
Parcourir la prison d’un labyrinthe,
Se heurtant aux parois, infatigables.
Elles ne veulent pas finir clochardes
Et cette peur, elles l’ont pour ainsi dire vaporisée
A l’ensemble du corps social, exceptées les clochardes.

Les fiottes modérées manipulent les seuils de sensibilité,
Sans en avoir l’air, en verrouillant le placard
Des émeutières et outrancières passées
Pour qu’elles restent et s’asphyxient dans le passé.
Elles veulent « unir et mobiliser » et
En bonnes conformistes : mettre de l’ordre dans la communauté.

Quand la normalité craque,
Leur ressentiment longtemps accumulé passe à l’acte.
La fiotte modérée est une dangereuse fiotte-collabo,
Alliée idéale de celles qui rêvent de devenir des fiottes-kapo.



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Il y a celles qui réagissent et, les pires, celles qui arbitrent. Thomas Vampouille, dans son éditorial pour le magazine Têtu, a manifesté son penchant pour l’arbitrage en distribuant tous ses cartons rouges à l’Inter LGBT. Placé au-dessus de ce qu’il nomme une « guerre des chapelles », Vampouille reproche à l’Inter d’avoir jeté de l’huile sur le feu en validant les signes présents sur l’affiche alors que son rôle serait « d’unir et de mobiliser ». Nulle part, il ne fera mention du harcèlement subi par la dessinatrice, ni des propos mensongers de l’association Beit Haverim, pas plus de l’opportuniste militante de la Manif pour tous Valérie Pecresse qui y a vu l’occasion rêvée de prendre sa revanche sur la communauté LGBT+ en supprimant la subvention accordée de 50.000€. Rien sur cette alliance réactionnaire car son argument est d’attribuer la responsabilité initiale à l’Inter LGBT qui a ignoré la « conflictuosité actuelle ». Autrement dit, en situation grave et délétère pour les populations minorisées : ne vous révoltez pas, collaborez silencieusement.
Sous ses airs de magazine généraliste dont le rôle serait de « se faire l’écho de la commu, toute la commu », Têtu a en effet fait le choix depuis longtemps de laisser entrer cette part réactionnaire dans ses pages, et c’est certainement eu égard de la conflictuosité actuelle que Vampouille a participé à une table ronde organisée par Fiertés Citoyennes dans la Mairie du 3è arrondissement de Paris intitulée « La lutte pour les droits LGBT est-elle soluble dans l’universalisme ? ». Animée par Nora Bussigny (pigiste du Point et de Franc-Tireur obsédée par le wokisme), cette table ronde a été l’occasion d’un déversoir d’immondices malhonnêtes et confuses contre les soutiens militants au peuple palestinien, contre les musulmans, contre l’intersectionnalité et contre le « gauchisme » en général. Têtu, magazine généraliste et rentable, financé par le Groupe SOS dont le président est un proche de Macron, a donc les opinions de sa condition économique.

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On peut changer les règles du jeu pour qu’un nouveau jeu soit inventé. Cette année, les oppositions virulentes contre l’affiche et le slogan ont fait apparaître la matrice raciale des oppressions jusqu’ici ignorée par les discours officiels LGBT+. Cette matrice est le continuum que nous devons rendre visible, et ce, non pas au nom d’une intersectionnalité ou d’une convergence des luttes, mais au nom de l’antifascisme lui-même. La nouvelle règle est donc la suivante : l’innocence LGBT+ des décennies précédentes est foutue, nous n’avons plus à jouer avec l’État mais contre l’État. De fait, nous ne reviendrons pas en arrière et nous ne danserons plus innocemment derrière des chars sponsorisés par des banques. La brutalité régurgitée par la matrice raciale nous marque et infléchit nos manières de lutter, nous en prenons à peine conscience et nous en ferons peut-être un levier révolutionnaire.
La première pride était plus qu’une émeute : elle était la manifestation d’un point de rupture dans le cours normal des choses. À partir de ce point de rupture, plusieurs tendances militantes vont naître et souvent s’affronter, et plusieurs visions de l’Histoire vont également se faire concurrence. La vision progressiste reconnaît le caractère émeutier des prémisses des mouvements homos et trans mais pour mieux l’enfermer dans une définition liminaire et archaïque vers laquelle il ne faudrait jamais régresser. Pour progresser donc, il fallait construire un mouvement de plus en plus vertical, respectable et civilisé, ce qui a eu pour effet majeur d’étouffer les questions de race, de classe, de la violence politique et de la solidarité transversale aux autres luttes.

C’est dur
d’être
aimée
par des
fiottes.


[Intermède patriotique]

Le Collectif Fiottes Patriotes ouvre son cortège à toute personne souhaitant protéger les mineurs et les personnes homosexuelles des propagandes LGBT et dérives islamogauchistes. Pour que la majorité patriote et soucieuse de l’avenir des jeunes générations ne soit plus silencieuse : Toi aussi, fais entendre ta vois lors de la Marche des Fiertés ! Pour notre sécurité à toustes :
 Une photo d’identité et un numéro de pièce d’identité sont obligatoires à l’inscription. Le Collectif Fiottes Patriotes ne conservera aucune de ces données.
 Le lieu de rassemblement sera communiqué la veille de l’évènement.

[Fin de l’intermède patriotique]



C’est à la fois violent et nécessaire de rappeler que notre solidarité n’est pas une affaire de fiottes bien éduquées. Paco Vidarte, fiotte militante espagnole, a dit un jour : « Est solidaire celle ou celui qui lutte contre tout privilège de classe, contre l’injustice sociale, contre l’oppression. La solidarité n’est pas une valeur morale, c’est une attitude systémique, déstabilisatrice et conflictuelle. La solidarité, ce n’est pas uniquement se prendre par la main, c’est donner des coups de poing. La solidarité, ce n’est pas être pures, immaculées et pacifiques, c’est être sales, imprévisibles et vivre à la dure. » Par conséquent, toute fiotte qui cultive l’antifascisme en son cœur a non seulement un devoir de solidarité mais aussi celui de la faire advenir à son terme, jusqu’à ce que la normalité craque, ce qui est peut-être un retour au jeu initial, au jeu véritable : conjurer l’horizon de ruines, d’humiliations et de dominations.

****

J’ai choisi le concept de fiotte car je tiens pour impossible de donner une définition du concept de fiotte qui engloberait l’ensemble des fiottes : ce que l’on peut faire, c’est donner un exemple de fiotte, et à partir de ce qu’il a en commun et de ce qui le différencie avec d’autres exemples, aller de fiotte en fiotte. Ainsi entre toutes les fiottes (des fiottes fascistes aux fiottes anarchistes en passant par les fiottes modérées) nous partageons ce qu’on peut appeler un air de famille, un domaine que l’on peut parcourir mais qui ne peut pas être défini par des caractéristiques fixes. Ce qui assure sa consistance, c’est qu’il permet le passage d’une fiotte à une autre, aussi bien que l’invention de fiottes. C’est pourquoi la fiotte peut servir de paradigme pour décrire et comparer différentes formes de vie.
En France, le terme queer ne permet pas une telle approche, car il n’a jamais revêtu, comme dans les pays anglophones, le caractère insultant et blessant. Il n’est, pour nous francophones, en aucun cas le retournement d’un stigmate en puissance, car il n’a jamais été stigmate mais immédiatement pansement. Nous avons récupéré le queer à partir des traductions théoriques, puis par sa valeur marchande. Les termes pédés et gouines sont quant à eux trop spécifiques et marqués sociologiquement (entre le centre-ville et la néo-ruralité, généralement diplômées) pour en réactiver la charge politique à l’ensemble de la société. Ce qu’il nous faut, c’est un terme qui parcourt l’ensemble des rapports de pouvoir, qui en restitue la brutalité, et qui empêche les processus identificatoires et de reconnaissance habituels ; et la fiotte tombe à pic. Elle permet un retour réel à la blessure : liées par l’insulte, les fiottes sont divisées par la réponse politique à y donner.

La fiotte est une voix dans notre tête.
On a tous eu un rapport [actif ou passif] à la fiotttisation, et dans tous les cas, nous l’avons intériorisée. La structure même de la brutalité capitaliste opère par humiliation et infériorisation des subjectivités à dominer. La fiotte est le produit de la force et elle est forcément avilissante. La force de l’ordre est de s’accomplir par fiottisation de l’autre, celle-ci étant appréhendée comme une humiliation, une arme. La fiotte peut fiottiser en retour et les victimes peuvent devenir bourreaux.

La fiotte devient un terrain de jeu
à partir duquel nous pouvons
troubler les règles du jeu.

Tout le monde est une fiotte – et tout le monde déteste ça. Il est vrai que les gays ne voulaient plus être des fiottes, à tout le moins au sens où la société l’entendait. Ils se sont battus soit pour le droit à la l’indifférence, soit pour l’édification de nouvelles catégories assimilables. Mais à ce jeu-là de l’innocence, la fiotte revient sans cesse par un minuscule trou qu’on n’avait pas vu pour approfondir et étendre la fracture.
Contre ceux qui voudraient maintenir ce mythe unifié en appelant à l’« art des nuances », nous devons au contraire affirmer une simplicité politique qui consiste à nous inscrire dans une tradition des opprimés. Il en résultera la violence symbolique nécessaire d’une désafiliation vis-à-vis de ceux qui nous revendiquent comme leur appartenant.

THE END

Mickaël Tempête.

Éléments bibliographiques


Certains passage de ce texte ont été composés à partir de réécritures de textes empruntés à d’autres fiottes, les voici, pêle-mêle :

Andrea Long Chu, Femelles, Éditions Premier degré, 2021.
Benjamin Gizard, « A quoi joue l’anthropologue ? Wittgenstein contre la bourgeoisie », in Ludwig Wittgenstein, Mythe et langage, Éditions la Tempête, 2025.
Guy Hocquenghem, « Comme des rats », in Un journal de rêve, Éditions Verticales, 2017.
Nathalie Quintane, Que faire des classes moyennes ? ; Éditions POL, 2016.
Thomas Vampouille, « Pride de Paris : laissons là cette affiche… mais pas notre marche ! », Têtu, en ligne, 12 juin 2025, en ligne.
Yohan Pawer, Tweets sur X.

Ainsi que des citations de :
Paco Vidarte, Éthique pédée, Éditions Grillages, à paraître en septembre 2025.
Scott Herring, « Sortir du placard, entrer dans les bois », in Habitante, n°7, 2025.
William Marx, « L’affiche de la Marche des fiertés, en invisibilisant la question du corps et de l’amour, réalise le rêve des homophobes », Le Monde, 20 juin 2025, en ligne.

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