TROU NOIR

Voyage dans la dissidence sexuelle

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Transmatérialisme is the new queer ?

Depuis les dernières 5 années, nous pouvons constater un virage de l’activisme trans dans l’échelle internationale, et très concrètement en France, qui ressemble tout un flou qui va d’Andrea Dworkin jusqu’à Jean Paul Gaultier. Si le mot queer, comme constatait Preciado déjà en 2009, s’est dolcegabanisé [1] jusqu’à son effacement actuel, maintenant c’est le tour du « trans matérialisme » à devenir mainstream  : il se concrétise de plus en plus (notamment à partir de la publication de Matérialismes trans, édité par Hystériques et AssociéEs) et dont un de ses principes c’est de s’opposer « au queer » [2]. Pourquoi cette rupture épistémologique, si jamais y en a une ? Quel est le diagnostic que nous pouvons faire du contexte actuel ?

« Celui qui lutte contre les monstres doit veiller à ne pas le devenir lui-même. Et quand ton regard pénètre longtemps au fond d’un abîme, l’abîme, lui aussi, pénètre en toi »
Friedrich Nietzsche

« Soy mala, pero estoy buenisima [3] »
La Materialista, Buenisima

Plutôt amnésiques que matérialistes ?

De plus en plus de jeunes trans de l’Hexagone décident de se positionner contre « le queer » et se disent matérialistes. Iels sont capables même de mettre au même niveau le matérialisme de Marx, celui du MLF… et le leur [4]. Un tel trans-nombrilisme peut s’expliquer : soit comme le summum de la mégalomanie queer (je ne trouve rien de plus queer que de critiquer les queers !) ; soit comme un assimilationnisme trans  ; soit les deux. Je vais examiner ici ces différentes hypothèses.

Dans les années 1990 et 2000, les vagues successives du « queer » étaient simplement des ami-e-s trans, pédé et/ou gouines de la même tranche d’âge – voire du même groupe affinitaire, même promotion, ou même centre d’études – qui se rassemblaient pour faire de la recherche ensemble (même si leurs approches divergeaient parfois) en raison de leur isolement académique. C’est toujours comme ça dans d’autres contextes. Souvent, la génération à laquelle nous appartenons conserve certains reproches de la génération précédente. On peut le constater dans les premiers travaux de Paul B. Preciado et de Sam Bourcier : les deux, avec d’autres personnes dans les séminaires du ZOO, formuleront certaines critiques de la performativité butlérienne. D’ailleurs, un des premiers auteurs à parler de « matérialisme queer » sera Paul B. Preciado dans le Manifeste contra-sexuel, même si, plus tard, il abandonnera cette dénomination. Preciado, hier comme aujourd’hui, n’est pas intéressé par les débats éternels sur les processus identificatoires. Ce qui va l’intéresser, ce sont les pratiques concrètes :

« La question ne consiste pas à privilégier une marque (féminine ou neutre) pour mettre en place une discrimination positive, la question n’est pas non plus d’inventer un nouveau pronom (…) Ce qu’il faut secouer, ce sont les technologies d’écriture du sexe et du genre, ainsi que ses institutions. Il ne s’agit pas de substituer des termes par d’autres. Il ne s’agit pas non plus de se débarrasser des marques du genre ou des références à l’hétérosexualité, mais de changer les positions d’énonciation » [5].

Dans le Manifeste contra-sexuel, Preciado pensait que les générations précédentes (Judith Butler, Teresa De Lauretis), tout en continuité avec les mêmes et avec des arguments bien fondés, qu’elles « omettaient toute référence à des pratiques sexuelles concrètes » [6], voire d’être « cloîtrées dans une tour de marbre littéraire » [7]. Bref, un peu de rupture par rapport à la génération précédente ne fait jamais de mal et elle permet de dynamiser une cadence mortifère où tout le monde se donne raison, et aussi, comme le souligne Jack Halberstam dans Dark Feminisms (Queer Art of Failure, 2018), elle empêche une reproduction familialiste et quasi œdipienne dans nos transmissions à l’intérieur des dites « études de genre ». Il articule la critique de Sarah Ahmed sur la linéarité en ne regardant pas seulement devant mais aussi derrière (l’image digne des progéniteurs), le sujet queer étant ainsi « entre l’optimisme hétérosexuel et sa réalisation » [8]. Il part d’une critique des dynamiques familialistes, racistes et œdipianisantes que nous reproduisons souvent dans les laboratoires de gender Studies.

Bien que je rejoigne une bonne partie de la proposition de Halberstam, reste à dire que ces dynamiques œdipianisantes sont bien plus complexes. Tel est le cas de la rupture actuelle entre les théoricien-ne-s dits « queers » et cette vague « trans matérialiste ». Au vu de la ligne générale des articles de cette compilation, qui est la transcription d’une journée d’étude tenue à l’ENS en 2019, le problème n’est pas tant son opposition aux théorisations queer que sa méconnaissance, voire cette volonté et cette apologie de la méconnaissance : à l’exception de «  Histoire critique de la notion d’identité de genre » de Philippa Ardin qui problématise le corpus qu’elle critique, nous n’avons aucune trace bibliographique de tout ce qui est dit sur « le queer ». D’abord, personne n’évoque le fait que lesdites « théorisations queer » n’existent plus en tant que telles : elles ont évolué en tant que wild theory (telle qu’elle est revendiquée par Halberstam), en théories anti-sociales, en réflexions sur l’utopie, en marxisme queer, des branches parfois opposées entre elles comme l’optimisme queer et le négativisme queer, etc. Il n’est pas possible non plus de parler d’un dit glissement de terrain qui se revendiquerait queer, son usage ayant été substitué progressivement par « trans-pédé-gouine » en France, « transfeminismo » en Espagne, etc. Comme nous le rappelait Itziar Ziga, mais aussi Preciado, en 2009 dans la revue Parole de Queer 1 [9], il est plutôt normal que les personnes concernées ne soient pas à l’aise avec un tel anglicisme.

Un autre exemple inquiétant d’apologie de la méconnaissance est le fait de répéter – tel un mensonge raconté maintes fois jusqu’à ce qu’il s’établisse comme une vérité – comment la « théorie queer » dans son ensemble serait « trop centrée sur l’identité de genre », voire très emparée par le « genre psychologique », ou encore, qui renforcerait la dualité nature-culture… Rien de plus éloigné de la vérité ! Déjà dans Gender Trouble, Butler déclare que « il n’y a pas d’identité cachée derrière les expressions de genre » [10] et utilise la notion de substantialisation du genre pour faire référence à certaines approches essentialistes des féminismes de son époque. Aussi, Butler s’attaque à la division sexe-genre afin de critiquer le constructivisme qui comprend le sexe comme variable fixe, en tant que donné pré-discursif. Selon Butler, « le genre, c’est aussi l’ensemble des moyens discursifs et culturels par quoi la nature sexuée ou un sexe naturel est produit et établi dans un domaine pré-discursif qui précède la culture, telle une surface politiquement neutre sur laquelle intervient la culture après-coup ». [11] Autrement dit, sexe et genre feraient partie d’un même tout qui se rétro-alimente ; selon le contexte et l’usage, l’auteur.ice mentionnera l’un ou l’autre. Il est vrai qu’iel dira à plusieurs reprises qu’iel préfère « plutôt » [12] l’usage de genre, qui lui paraîtra plus stratégique pour une articulation politique qui puisse esquiver les politiques d’identité ou la multiplication de positions subjectives [13] ; nous verrons néanmoins plus tard avec l’amplification sans fin de l’acronyme LGTBIQA2SNB+ que, sur ce point, Butler avait tort dans sa stratégie de la prolifération de genres. Dans tous les cas, dire que Butler adhère au dualisme sexe-genre, reviendrait à dire qu’iel comprend le sexe comme une variable qui précède la loi symbolique, ce qu’iel ne fait… décidément pas.

Dans Ces corps qui comptent : De la matérialité et des limites discursives du « sexe » (1993), ouvrage ayant pour visée de répondre aux mauvaises lectures de Gender trouble, Butler insistera sur comment « ce qui a été compris comme performativité du genre, loin d’être l’exercice d’un volontarisme affranchi de toute contrainte, s’avère ne pouvoir être pensé indépendamment de l’idée de telles contraintes politiques intégrées psychiquement » [14]. Iel propose ainsi de dissocier la contrainte des « positions essentialistes qui cherchent dans une nature sexuelle ou une structuration pré-culturelle de la sexualité la garantie d’un site ou d’une cause métaphysique pour ce sentiment de contrainte » [15]. Sa visée est en réalité très pragmatique : analyser quels sont les mécanismes d’exclusion et de répudiation pour lesquels un sujet assume une position sexuée ou une autre, afin de contester l’idée qu’une identité cohérente puisse constituer une base politique. [16]

Ces lacunes théoriques transformées en calomnies posent, en plus des nombreuses questions déontologiques et éthiques, des questions sur comment on affirme nos ruptures théoriques. La loi du tout ou rien, soit on tombe dans le cruel optimisme et good vibes qui censure toute critique, soit on formule des ruptures épistémologiques (et personnelles) qui reproduisent les dynamiques de consommer-jeter du capitalisme. En y réfléchissant bien, la « urgence culture » capitalistique (la culture de l’instantané, la culture tik tok, la rétention de mémoire de 15 secondes, la story qui dure 24 heures, les 150 caractères), s’entend étonnamment bien avec un (trans)féminisme plus amnésique que matérialiste, et plus centré sur les besoins « du nouveau » de certaines maisons d’éditions que dans un dialogue critique avec nos aîné-e-s. Me concernant, je trouve plus intéressant d’établir des ruptures épistémologiques à partir d’un débat bien fondé, d’un véritable échange, et non en instituant en tant que savoirs intellectuels les « hot takes » des réseaux sociaux.

Assimilationnisme trans et cognitivisme de genre

Pour revenir sur certains principes de ce trans-matérialisme, qui reconnaît lui-même sa diversité d’approches [17], il est possible de trouver des points assez étonnants, voire contradictoires. Le premier, la non-reconnaissance (soit, à mi-voix) que les approches psychologisantes sur l’identité de genre ne viennent pas de ladite « théorie queer » mais… de l’assimilationnisme trans. Pourquoi donc externaliser cette erreur historique sur Butler ? De plus, certains auteurs cités, tels que Jay Prosser, Viviane Namasté ou Julia Serano, sont cités comme joker pour « détrôner » les approches queer (ces auteurs ou personnalités cités en abstract, dans un nous vs. eux les queers sans nom ni visage). Or, toute référence au naturalisme de ces auteurs est complètement effacée. Plus encore, tout comme Jack Halberstam l’expose dans Trans* : A quick and quircky account of gender variability (2017), il n’y a pas si longtemps que ça (j’insiste, 2017 !), le reproche fait à ladite « théorie queer » était bien le contraire, à savoir, d’« invalider l’identité de genre » des personnes trans à partir de la performativité butlérienne. L’institutionnalisation de l’assimilationnisme trans dans certains pays occidentaux va coïncider avec une rupture épistémologique de celui-ci contre certains auteurices dites « queer ». Jack Halberstam fait l’observation que cette rupture va se centrer autour de la critique de la performativité de genre butlérienne, et de Judith Butler en général. « [Ces critiques] craignent le fait qu’adopter le terme de performativité de genre implique, dans un sens transphobe, que le genre trans* n’est pas réel, matériel, authentique ». [18] À la performativité butlérienne, ces auteurs vont imposer le « genre ressenti ». Le sociologue catalan et transféministe Miquel Missé donne le nom d’essentialisme de genre à ce type d’approches [19], et les relie au transmédicalisme, c’est-à-dire à la croyance qu’il faut avoir un diagnostic de dysphorie de genre établit par un psychiatre et faire une transition physique pour pouvoir s’auto-nommer trans*. À quel point est-il pertinent d’établir le rapport que Miquel Missé fait entre les deux  ? Sans aller plus loin Julia Serano, partisane du « genre ressenti » déclare depuis toujours être contre le transmédicalisme [20] et soutient une approche holistique [21]. (Et peut-être que c’est ça le problème, la deuxième partie de la phrase). Personnellement je souhaiterais sortir de l’ancien débat transmédicalistes vs. Queers, vu que cette dichotomie, en plus de ne plus être valable, est arrivée depuis quelques années à une sorte de synthèse, et l’a trouvé dans le concept d’auto-détermination de genre, ou comme je préfère le nommer dans mes travaux, cognitivisme de genre.

Ça vaudrait aussi la peine de chercher dans l’histoire de la psychologie, puisque depuis les années 1950 les notions sur l’esprit ont évolué. Depuis 30 ans les neurosciences, inquiétées par les accusations fréquentes d’essentialisme dans tous les champs de savoir où elle s’étale, se sont alliées avec les approches cognitivo-comportementales, et parfois se sont données aussi une façade « sociale », parfois même psychanalytique, le tout souvent par le prisme de l’interdisciplinarité. Les approches biologistes du genre ont été largement contestées, et actuellement l’approche dite sociocognitive de différenciation du genre (Bandura, 1999) aurait progressivement pris la relève. Selon cette approche, aussi appelée triadique, la construction de genre du sujet dépend de trois instances séparées : les prédispositions génétiques, l’environnement, et la capacité d’agencement de l’individu. Nous pouvons trouver ce même raisonnement dans les articles de Serano, et il serait donc plus pertinent de la situer dans le cognitivisme de genre que dans le biologisme ou le « transmédicalisme ».

Ce déplacement vers le discours de la différence sexuelle est-il moins essentialiste ? À première vue, nous pourrions arriver à dire qu’il s’agit d’études très progressistes dans la science et la psychologie. Mais, en s’y approchant, nous pouvons observer qu’il maintient encore la différence sexuelle. Contrairement à la performativité butlérienne, le cognitivisme de genre fait une dissociation entre les rôles de genre et l’identité de genre (le détachant de toute matérialité), argumentant qu’elle est nécessaire pour l’évolution des modèles culturels, soit in fine du féminisme réformiste (« les hommes peuvent pleurer, l’empowerment des femmes, etc. »). Selon Bandura (1999), auteur qui a eu une forte ampleur sur les épistémologies actuelles en psychologie dite intégrative, « l’identité de genre a pour seul besoin l’habilité de s’auto-nommer homme ou femme » [22], et démentit tout rapport entre l’identité de genre et son expression. Ultérieurement, plusieurs trans studies vont rejoindre les idées de Bandura, même sans le citer directement. L’identité de genre devient auto-déclarée, centrée dans une cognition à tout moment modifiable, dans une volonté, le cognitivisme redéfinissant ainsi le concept d’auto-détermination de genre.

L’identité (homme, femme, parfois même non-binaire) devient localisable dans le cerveau (vérité psychologique) et, de plus, sera revendiquée par certains activistes trans qui diront que nous ne pouvons pas prétendre que le cerveau n’est pas sexué [23]. En revanche, il ne s’agit plus d’un cerveau qui subit une « pluie d’hormones » du transmédicalisme des décennies précédentes, mais plutôt d’un cerveau plastique, modifiable, qui dépend d’une volonté, ainsi que d’une auto-régulation. Cela voudrait-il dire que toute personne trans pourrait arrêter de l’être si elle met suffisamment de « volonté », ne vaudrait-il pas la peine de « changer le corps » ? Notons le fort intérêt de certain-e-s matérialistes trans pour les détransitions, et notamment FTM, certain-e-s même concerné-e-s par la détransition [24]. Dans ces approches, tout se passe comme si, finalement, l’identité émanait de l’intérieur de soi, bien qu’avec avec une flexibilité, une surpuissance pour la modifier à tout moment, et une « façade » sociale. Si Christine Delphy, comme le souligne très bien Pauline Clochec [25], est une antinaturaliste qui est en réalité une naturaliste qui ne dit pas son nom… Pourrions-nous dire la même chose de certains déroulements théoriques du trans-matérialisme ?

Je ne pense pas, comme certain-e-s de mes collègues, que les personnes trans soient « manipulées par les féministes matérialistes françaises » : le transmatérialisme, par certains aspects, pose les mêmes soucis que l’activisme trans à l’échelle internationale, avec la seule différence d’une revendication plutôt folk (et je m’en doute que non pas très consensuelle [26]) du french materialism. Notons par exemple l’insistance du transmatérialisme, « malgré les différences de parcours MTF/FTM  », à croire à un « nous » de la communauté trans (qui ne serait pas composé de jenesaispluscombien de genres comme dans l’optimisme queer, mais deux : de filles et de garçons), ce qui me semble un « nous » très contestable.

Encore un argument contestable est la volonté de déposer dans un certain secteur (trans, surtout) toute idée d’avant-garde de lutte : il est fort possible que, comme Beaubatie le signale (par ailleurs, Bourcier l’avait fait d’abord [27]) que certains secteurs des théorisations queer aient mis les hommes trans en première ligne ; or, il me semble contre-intuitif de formuler une telle critique pour finalement mettre les femmes trans (racisées, notamment), en première ligne : littéralement en première ligne, compte tenu des non-mixités des manifs [28]. Jusqu’à quand ce trans-nombrilisme ? D’un certain aspect Emmanuel Beaubatie est extrêmement lucide, sur le fait de dire que, historiquement, les personnes trans ont contribué elles-mêmes à la constitution, voire à l’institutionnalisation, des savoirs sur eux (il donne l’exemple de la médecine) et qu’il n’y a pas de eux contre nous [29]. De même avec Pauline Clochec lorsqu’elle dit dans une note de bas de page [30] que les personnes trans existaient bel et bien avant la théorie queer [31]. Or, on pourrait retourner tous ces arguments contre eux-mêmes : il est temps que l’activisme trans assume ses erreurs historiques concernant certaines notions (« identité de genre », autodétermination de genre), plutôt que de l’externaliser sur Judith Butler ou sur un mouvement théorique en extinction comme l’est le queer. En revanche, l’assimilationnisme trans existe bel et bien et il serait temps d’affirmer que la communauté trans peut parfois aussi l’être, au même point que la communauté gay (cette dernière souvent cible de tous les maux !) : aucune lettre de l’abécédaire n’est épargnée par l’assimilation, par la complicité d’un capitalisme rose, par l’impérialisme.

Quand le monstre se retourne

Malgré le ton de respectabilité immaculée qu’on ressent dans le fil conducteur de ces communications, certains déroulements de cette compilation de textes transmatérialistes ne sont pas épargnés d’une continuité avec certaines approches d’auteurs queer, spécialement ceux situés dans la transmasculinité : j’aimerais qu’il s’agisse des goodpoints. Et bah non, justement. On pourrait constater principalement deux points de continuité avec les mauvaises accroches de ces auteurs queer  : l’objectification des personnes trans et l’objectification des personnes racisées. Les personnes trans sont mobilisées pour « démontrer » certaines hypothèses : les personnes trans montrent la construction de la négrophobie, les femmes trans montrent la construction de la misogynie, les personnes trans montrent la mobilité sociale… Les personnes trans sont utiles, in fine, pour démontrer certaines grandes théories préexistantes du champ des sciences sociales, sans aucune prétention de les modifier ou de se mettre en rupture, juste pour démontrer sa validité, sa pérennité, contrairement au reste de savoirs qui deviennent éphémères, jusqu’à s’effacer. C’est exactement ce qui avait été reproché à Judith Butler, non sans tort, dans sa mobilisation de la femme trans Venus Extravaganza pour expliquer la construction de la féminité. Ou encore ce qui a été reproché à certains ouvrages (Halberstam et Female Masculinities, Preciado et Testo Junkie ou le Manifeste contra-sexuel) comme quoi les hommes trans montreraient la construction de la masculinité, plutôt que de se positionner en rupture avec cette dernière (rupture que les auteurs de ces ouvrages, je le précise de suite, rejoindront de façon plus contemporaine !). Notons que lorsqu’il s’agit d’expliquer le genre, quel que soit la chapelle défendue, les groupes sociaux constamment objectifiés sont : les enfants, les indigènes, et les personnes trans, voire spécialement les mineurs trans. Quand va-t-on changer ces dynamiques ?

Enfin, pour boucler la boucle, nous avons Emmanuel Beaubatie : évoquant des notions telles que le « voyage du genre », « traversée de frontières » et les « transfuges » , etc. L’auteur fait deux mouvements en un : d’un côté il rejoint les analogies raciales de Gayle Rubin [32] (les deux parleront de « guerres de frontières ») et du dernier Preciado (empruntées à son tour à Monique Wittig) ; comme nous le rappelle Hourya Bentouhami, il faudrait arrêter avec ces analogies entre l’émancipation trans, lesbienne ou féministe et la racialisation : « que cette analogie [celle de Wittig] entre émancipation féministe et émancipation de l’esclavage rend inaudible la voix des femmes marronnes. » [33]. Ce à quoi je rajouterais : elle rend surtout inaudible la voix des hommes trans racisés [34]. Female Masculinities de Jack Halberstam va être le seul travail, à ma connaissance, à prendre du recul sur l’usage ces formules. Reprenant les métaphores mobilisées autant par Jay Prosser (No Place Like Home) que par Gayle Rubin [35], Halberstam dit que c’est un danger de « transposer des cadres conceptuels qui sont déjà chargés de sens (le lieu, le voyage, le foyer, les frontières) sur une autre problématique » [36] ; encore, il dit que dans ces métaphores « l’identité de genre et l’identité nationale se présentent comme immuables et essentielles » [37]. Ou pour le dire autrement, renforcent le genre et la nation en tant que réalités pré-discursives au lieu de les déstabiliser. Ceci nous évoque plusieurs questions : qui peut se permettre les métaphores ? [38] Comment penser les transmasculinités en dehors des voyages d’un point A à un point B ? Une cartographie transmasculine existe-t-elle ?

Beaubatie ne reconnaît pas l’inspiration préciadienne ou rubinienne pour parler de son « espace social du genre ». Il ne reconnaît pas suffisamment non plus les travaux d’autres auteurs transmasculins et transmatérialistes, ils sont masqués tel un dirty little secret, contrairement aux féministes matérialistes (encore le côté folk) qui sont mises en avance. La bonne et mauvaise nouvelle, c’est qu’Emmanuel Beaubatie n’est pas le premier auteur transmasculin à ne pas citer d’autres auteurs transmasculins. On pourrait aussi citer Preciado sur cette erreur : le philosophe argentin et trans Blas Radi, analysant une partie de l’œuvre préciadienne, dira que Preciado mobilise toute une série de mécanismes d’absence de personnes transmasculines, Delgrace Vulcano entre autres [39]. Personnellement, de ce que j’ai pu observer dans mon travail académique, à savoir centré sur les transmasculinités, ces mécanismes d’absence sont présents (bel oxymore) dans la totalité des auteurs transmasculins que j’ai étudiée. Ce n’est pas pour autant qu’on ne se lit pas entre mecs trans. Bien sûr qu’on se lit entre nous, mais ça ne dépasse pas le voyeurisme, comme dans des toilettes publiques masculines : finalement, chaque transmasc veut être le roi de sa chapelle, chacun est un mec trans « mais pas comme les autres », clashe le mec d’à côté sans arguments, à la limite s’auto-flagelle cinq minutes sur « comment les femmes trans sont plus militantes que nous », tout ça afin de ne pas examiner en détail les micropolitiques des personnes transmasculines. Je ne peux pas m’empêcher de voir un peu de refoulement de désirs T4T dans ce geste, sinon directement de l’homophobie : entre mecs trans, on se fait des enfants dans le dos (pour reprendre l’expression de Deleuze), ou peut-être par le bussy [40] sans pour autant verser une pension alimentaire à cet enfant battu. Dit autrement, on s’inspire les uns des autres dans nos travaux intellectuels sans pour autant se créditer, par peur de « se frôler trop »… Même les hommes cishétéroexuels se citent plus entre eux, sans se sentir « attaqués » dans leur masculinité ! Je souhaiterais, dans l’idéal, proposer une transmasculinité qui déclare son apostasie autant de la feminité assignée à la naissance que de la masculinité hégémonique, soit de ce dit « régenrement », que les transmatérialistes évoquent. Mais bon, pour le moment je me conformerais à la mise en examen de ces mécanismes d’absence qui règnent dans nos savoirs minoritaires, ainsi qu’à la réflexion sur les batailles de dicklits entre hommes trans (qu’ils soient chercheurs, acteurs, celebrities, écrivains, ou autre). Aussi, vaudrait-il la peine de se demander pourquoi, mecs trans, ne sommes-nous pas en train d’élaborer des dispositifs qui nous permettent d’explorer nos masculinités sans crainte et sans culpabilité, plutôt que de tourner autour du pot sur des questions qui trouvent difficilement de réponse, ou que, si elles en trouvent, elles importent si peu.

What goes around, comes around

Enfin pour conclure, le matérialisme trans est traversé par de nombreuses contradictions, par des forces aussi dynamiques et novatrices que profondément réactionnaires, ce qui arrive dans tout chantier théorique nouveau. Ces mêmes forces contradictoires peuvent-t-elles traverser un même auteur ou autrice : tel est le cas, par exemple, de Emmanuel Beaubatie, lequel d’ailleurs je rejoins lorsqu’il dit qu’il y a bien plus de nuances qu’une dichotomie de deux pôles « normatifs vs. subversifs » [41]. Dans tous les cas, l’intention du transmatérialisme n’est pas nouvelle : il est un autre espace théorique qu’il aurait substitué, plus par un effet générationnel que par une victoire intellectuelle sur (ce qu’on entend par) « le queer » et qui essaie de tracer des ponts production théorique et activité militante trans. C’est ce que prétendait aussi le transféminisme espagnol avant l’échec du projet de loi Trans [42], c’est aussi ce que prétendait la vague de théoriciens d’après Butler (chaque auteurice a ses échecs propres dont je m’abstiendrai de détailler aujourd’hui). Le transmatérialisme ne réussit pas, du moins ici, à dépasser les débats métaphysiques : à l’exception de l’article de Nöomi Gruswald sur les expériences tirées des ateliers d’autodéfense [43], puis du deuxième volet de Pauline Clochec qui approfondit la construction corporelle des femmes trans [44] ; le reste finit par être une métaphysique totalement détachée de toute matérialité (chair, corps, processus d’inscription de masculinité et de féminité) qui parle de la dialectique des hommes et des femmes comme un mantra, sans pour autant spécifier en quoi consiste exactement une transition, ce qui à mon avis n’est pas si clair pour tout le monde…

Tout se passe comme si le milieu trans (et ses alliances avec d’autres secteurs) voulait, de façon cyclique, résoudre certains problèmes qui reviennent chaque x années : l’organisation, la praxis, le racisme, la précarité, l’instrumentalisation des personnes trans par l’académie, la non-mixité, le remaniement de concepts… Sauf que finalement ce sont des problèmes qui ne se résolvent jamais : comme dans le village de Macondo (Cent années de solitude, Gabriel Garcia Marquez) à chaque fois les enfants naissent avec une queue de porc. Même Julia Serano reconnaît cet éternel retour dans le milieu trans. Ne vaut-il pas la peine de se demander si nos subjectivités ont encore, per se, un potentiel révolutionnaire – autant d’un point de vue individuel que collectif – au lieu de nous interroger ad vitam sur qui nous sommes et où nous sommes. Sans mépriser les liens communautaires (moi-même je me lève certains jours avec des envies de proposer une transmasculinité séparatiste !), il faudrait reconnaître que toutes les « soupes de lettres » (LGBTIAQNB, TPG) et non-mixités sexuelles sont assimilées, d’une façon ou d’une autre, et qu’aucune subjectivité sexuelle ne devrait être, et peu importe la raison, en première ligne pour une éventuelle révolution. Il faudrait assumer de dire, surtout grâce aux mouvements autonomes et anarchistes, que le sujet contestataire est toujours en mouvement et qu’il n’y a rien qui garantisse qu’un secteur, aussi oppressé soit-il, ne puisse pas virer conservateur.

C’est pour cela qu’il conviendrait que nos productions théoriques transféministes ne soient pas centrées sur la re-reformulation d’un « nous » qui laissera toujours cruellement quelqu’un en dehors (qu’il ait la forme d’une soupe de lettres, de la « transness », des dites « multitudes queer », « queer of color », de la classe sociale des femmes ou de « women and fems », etc.) ; mais plutôt sur la reformulation de nos façons de nous relationner, nos rapports avec le conflit : non pas d’un point de vue du développement personnel à la Mr. Wonderful, encore moins de « joie militante » comme j’ai pu le lire cent mille fois sur instagram. Le conflit, la négativité et même la violence sont nécessaires, plus que jamais, d’un point de vue politique. Or, le conflit doit se poser en termes de discours, non pas en des termes identitaires. Nos conflits devront analyser soigneusement les mécanismes de la récupération du capitalisme rose [45]. Mon premier constat est que, dans un monde où les personnes trans et/ou racisées (ou même parfois « matérialistes ») travaillent de plus en plus avec les grandes marques de mode, le monde du coaching ou des pseudo-thérapies, font-iels des start-ups, etc., nous ne pouvons plus réduire l’assimilation en fonction de l’identité. Il est temps d’arrêter de dire que les « white cis gay », les personnes transmasculines, « les queers » (ou je ne sais plus quelle cible à la mode, souvent sans forme ni visage) sont les plus assimilés/néolibéraux.

Nos conflits épistémologiques devront aussi retravailler les silences, les « oublis », autant inconscients que complètement conscients et volontaires : dans ma compréhension télénovelesque et chaotique du conflit – pantojista, pour reprendre encore une expression d’Itziar Ziga [46] – je suis intéressé à connaître les drames qui entourent nos mémoires collectives, souvent inter-locaux voire internationaux. La dichotomie mémoire-oubli a pour objectif de refouler les drames. Ces dramas destructeurs, ces tabous collectifs socialement instaurés et dont leur agressivité est en même temps intéressante pour l’avènement d’un transnégativisme, à savoir, un transféminisme anarchiste, insurrectionnel, en opposition avec les valeurs du vieux monde. Laissons, en bref, les « silences de famille » – et la famille en elle-même – aux hétérosexuels.

Ricardo Robles Rodriguez

[1Nous pouvons retrouver ce terme dans la version espagnole de Gare à la Gouine Garou ! Ou comment se faire un corps queer à partir de La pensée straight ?, ayant le même nom (Devenir bollo-lobo o como hacerse un cuerpo queer a través de El Pensamiento heterosexual) dans la collection de textes Teoria queer : Politicas bolleras, trans, mestizas dirigé par Paco Vidarte, David Cordoba et Javier Saez. Notons que dans sa version française, Dans Bourcier, Sam ; Robichon, Suzette (2002) Parce que les lesbiennes ne sont pas des femmes : Autour de l’œuvre politique, théorique et littéraire de Monique Wittig. Actes du colloque des 16-17 juin 2001. (Editions gaies et lesbiennes) ce paragraphe sera absent ; et qu’il a donc été rajouté en 2009. Il dit ainsi (traduction espagnol – français par mes soins) :

« Très tôt, le même terme queer deviendra l’objet d’une appropriation marchande, de l’académisme et de l’esthétisation. Cette rapide dolcegabanissation nous aide pour reconnaître qu’il n’était pas possible de gagner la bataille de la signification. On était condamnés à la dérive performative »

Aussi, nous pouvons sourire doucement avec ce paragraphe de 2001 et avec le Preciado du Gucci Fest de 2020 ; mais bon pour cela il faudrait peut-être un autre article…

[2Clochec, Pauline (2021) Du spectre du matérialisme à la possibilité de matérialismes trans. Dans Matérialismes trans. Ed. Hystériques et AssociéEs (p.15-64)

[3« Je suis méchante, mais je suis très bonne ». La Materialista est une chanteuse de reggaeton dominicaine.

[4Ibid

[5Preciado, Paul B. (2000) Manifiesto contrasexual. Trad. Carolina Meloni. Ed. Anagrama (p. 19)

[6Ibid (p. 66)

[7Ibid. op.cit

[8Halberstam, J. (2018) El arte queer del fracaso. Trad. Javier Saez. Ed. Egales (p. 118)

[9Revue Parole de Queer 1 (2009) Disponible ici : https://es.scribd.com/fullscreen/79992238?access_key=key-2l64jqncgcgodxmcd3jr

[10Butler, Judith (2005) Trouble dans le genre : Le féminisme et la subversion de l’identité. Trad. Cynthia Krauss. Ed. La Découverte (p.96)

[11Ibid. (p. 69)

[12Butler, Judith (2009) Ces corps qui comptent : De la matérialité et des limites discursives du sexe. Trad. Charlotte Normann. Ed. Amsterdam (p.170)

[13Ibid. (p. 170-181)

[14Ibid (p. 146)

[15Ibid

[16Ibid (p. 175) op. cit

[17Clochec, Pauline (2021) Du spectre du matérialisme à la possibilité de matérialismes trans. Dans Matérialismes trans. Ed. Hystériques et AssociéEs (p.47-50)

[18Feminismos trans. Halberstam, J (2018) Trans* : Una guia rápida y peculiar para la variabilidad de género. Trad. Javier Saez. Madrid, Egales (p.154)

[19J’ai juste sauté d’un auteur à un autre. Dans A la conquista cuerpo equivocado (2018) Missé ne critiquera pas Julia Serano, du moins directement. Missé citera uniquement des exemples de l’état espagnol.

La même dans la conférence faite avec Bryn Rio pour la mairie de Vitoria Gasteiz La compleja categoria de menores trans (2019) il en approfondira avec plus de détails. https://www.youtube.com/watch?v=Qpd3GJdMN7M

Nous pouvons apprécier aussi que les approches qu’il dénonce ne sont pas exactement ceux qui existent aujourd’hui. Je tiens à souligner les nuances puisque les essentialismes sont, eux aussi, divers.

[20Serano, Julia (2011) A Transsexual vs Transgender Intervention http://juliaserano.blogspot.com/2011/09/transsexual-versus-transgender.html

[21Il n’y a pas si longtemps, Julia Serano faisait un thread sur Twitter expliquant les méconceptions autour de son oeuvre : https://twitter.com/JuliaSerano/status/1318708548457484288

[22Bussey, K., & Bandura, A. (1999). Social cognitive theory of gender development and differentiation. Psychological Review, 106, 676-713 (p. 680)

[23Serano, Julia (2017) Transgender people and biological sex myths (p.2-3)

[24Je citerais par exemple cet article de Max L. du blog « Guerrillères » intitulé « Lesbiennes, butches, FTMS : Lesbianisme et transitudes  » https://lesguerilleres.wordpress.com/2021/03/28/lesbianisme-et-transitudes/

Je précise que, ayant pensé moi aussi des nombreuses fois à la détransition, je ne suis pas pour la censure d’un tel sujet (ni d’aucun sujet, ceci dit). Or il me semble curieux comment, tout comme certains sources TERFs (ou pro-TERFs), le discours de cet article est-il construit : Première personne (discours du ressenti), l’identité de genre en tant qu’une réalité pré-discursive déjà là, énonciation des oppressions et des privilèges en tant qu’une donnée individuelle, mention de troubles psychologiques… Ce qui revient à ce cognitivisme de genre. Il me semble, à minima contre-intuitif, critiquer le discours du ressenti d’un côté, puis construire tout un article autour de lui.

[25Clochec, Pauline (2021) Du spectre du matérialisme à la possibilité de matérialismes trans. Dans Matérialismes trans. (p.38)

[26Pendant que nous on est souciés à faire des énièmes « lectures hérétiques » d’untel ou d’untelle, que ça soit de fémonationalistes ou de psychanalystes, la vie suit son cours et ces derniers signent des tribunes transphobes, main dans la main de l’extrême droite. J’ai envie de dire que à chacun-e ses hérésies….

https://www.lexpress.fr/actualite/idees-et-debats/changement-de-sexe-chez-les-enfants-nous-ne-pouvons-plus-nous-taire-face-a-une-grave-derive_2158725.html

[27Bourcier, Sam (2018) Nouvelles technologies des transmasculinités. Dans Queer Zones : la trilogie. Ed. Amsterdam. (p. 583-602)

[28Quelques considérations sur la Pride radicale, Trou Noir n°17 - 28 septembre 2021.

[29Beaubatie, Emmanuel (2021) Le genre prècede le sexe. Dans Matérialismes trans. Ed. Hystériques et AssociéEs (p.70-72) ; Beaubatie, Emmanuel (2021) Transfuges de sexe Ed. La Découverte (p. 25-33)

[30Clochec, Pauline (2021) Du spectre du matérialisme à la possibilité de matérialismes trans. Dans Matérialismes trans. Ed. Hystériques et AssociéEs (p.59, note 101)

[31(et les ancrages sur le genre ressenti existent, eux aussi, bien avant la dite théorie queer !).

[32Rubin, Gayle (1992) On Catamites and kings :Reflections on Butch, Gender and Boundaries. Dans The Persistent Desire : A femme-butch reader, ed. Joan Nestlé (p.466-483)

[33Bentouhami, Hourya (2018) « Notes pour un féminisme marron. Du corps-doublure au corps propre », Comment S’en Sortir ?, n° 5, hiver 2017, p. 108-125.

[34Ce n’est pas forcément lié au texte, mais je tiens tout de même à relier l’intervention de T*MOC (Janvier 2021) Webinar-discussion (trans)masculinités noires et nord-africaines. Cycle Emergences Queer. Paris VIII Vincennes. https://soundcloud.com/user-412728119-685918491/podcast-tmoc-partie-transidentite-masculinite

[35Voir note 29

[36Halberstam, J (2008) Masculinidades femeninas. Trad. Javier Saez. Ed. Egales (p. 195)

[37ibid

[38Ibid (p. 199)

[39Radi, Blas (2017) Fronteras epistemológicas coloniales de la teoría queer : mecanismos de producción de ausencias en la obra de Preciado. Interalia : A journal of queer studies. N°12

[40Bussy : boy pussy, ou « chatte de mec » une expression d’internet que je ne partage pas mais qui est quand même marrante

[41Beaubatie, Emmanuel (2021) Le genre prècede le sexe. Dans Matérialismes trans. Ed. Hystériques et AssociéEs (p.77)

[42Peut-être avez-vous entendu parler ces derniers mois dans les médias d’une soi-disant "Loi trans" en Espagne soi-disant proposée par le Parti Socialiste qui permettrait soi-disant les changements de sexe plus rapidement, y compris pour les mineurs. Ce qui est complètement mensonger. Ce projet de loi trans existait depuis très longtemps. Bien qu’à mon avis même si c’était tout aussi un projet de loi pas suffisamment solide concernant les modifications corporelles, c’était un projet de loi vraiment inclusif avec tout le monde : personnes non-binaires, étrangers intra et extra UE, et mineurs. Le plus important, c’est un projet de loi qui avait été construit depuis en bas, avec les militants de terrain, concernés ou alliés. Depuis cette proposition, une vague horrible de TERFs s’est réactivée en Espagne pour faire pression et faire reculer ce projet de loi. Le mouvement TERF en Espagne est néanmoins très hétérogène : certaines organisations TERFs (comme le parti de Lydia Falcon, el Partido Feminista) se sont alliées à VOX (extrême droite nostalgique de Franco), d’autres ont resté dans son parti politique d’origine à savoir le PSOE (Parti Socialiste "ouvrier" Espagnol) afin de faire une campagne anti-trans depuis des partis ayant un peu plus d’ampleur. Autrement dit, le PSOE est gangréné de TERFS jusqu’à la moelle. Les agressions commises par des TERFs, d’autant sur Internet qu’en présentiel, ont découlé dans des conséquences : le 18 mai, le projet de loi Trans est refusé suite à l’abstention massive du Parti Socialiste et le refus de VOX. Un peu plus tard, la vice-présidente du Parti Socialiste, Carmen Calvo (très connue pour côtoyer des TERFs et pour son femonationalisme/purplewashing) a proposé une "loi LGBT" , et en excluant de ce projet plusieurs associations trans et des associations de familles trans (certaines assos ont refusé de leur propre volonté). C’est la loi qui a été approuvée il y a quelques jours. Dans cette "loi LGBT", il y a juste une régularisation des délits des dits "discours de haine" (bon, à voir comment cela s’applique dans la pratique), et juste quelques points de l’ancien projet de loi Trans ont été sauvés.

[43Grunenwald, Noömi (2021) Des femmes comme les autres ? Penser les violences faites aux femmes transà travers de la pratique d’autodéfense féministe. Dans Matérialismes trans. Ed. Hystériques et AssociéEs

[44Clochec, Pauline (2021) Les conditions sociales de l’accès au corps. Pour une théorie matérialiste des corps à partir de la transsexuation. Dans Matérialismes trans. Ed. Hystériques et AssociéEs

[45Pour une lecture du conflit générationnel qui a lieu dans les milieux militants queer, lire Fossé générationnel ? Dicutons ! paru récemment.

[46Ziga, Itziar (2020) Devenir chienne. Ed. Cambourakis « Pantojismo », est un concept de la féministe basque Itziar Ziga pour faire référence au dramatisme hyperbolique, notamment féminin. Il trouve son origine dans Isabel Pantoja, une chanteuse de copla espagnole.

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