TROU NOIR

Voyage dans la dissidence sexuelle

Français | English

Puissances de (dé)figuration du queer

Monstres, cyborgs, zombies. Ces figures peuvent-elles encore penser la crise et la catastrophe, leur désormais indissociable nouage, mais aussi ruiner les stratégies capitalistes déployées pour « gérer » la catastrophe ? Etat de la question : le foisonnement des figures depuis quarante ans offre-t-il encore cet espace (parfois métaphorique) de la résistance sinon n’a-t-il pas participé à l’épuiser à mesure que ces figures deviennent des slogans ? Plutôt que de s’installer dans un optimisme béat ou d’invoquer une figure rédemptrice, la recherche autour de la figuration doit se nouer à des auteurs qui pensent sans le confort de l’innocence. Le point de départ est le rapport de la figuration à la destruction d’un monde mauvais : comment les fameux dispositifs régénératifs de la figuration s’effectuent-ils lorsqu’ils sont confrontés à la violence des corps et des âmes détruites ? Si la figuration tient de la régénération de territoires existentiels, il faut quelque chose d’autre pour comprendre la puissance qui s’y noue. L’histoire des régimes destructifs du capitalisme nous contraint, en retour, à affiner notre concept de destruction – à le tenir en même temps que nous luttons contre une ligne de mort persistante, mue par une passion d’abolition pure.


Illustration : Sibylle Ruppert, The Reunion or The Four Monsters (1983).

Ce texte est la version revue de la transcription d’une conférence donnée le 16 mai 2025 dans le cadre de l’Académie des mutantes au CAPC.


« Tu sais que tu dois mutiler des parties entières de tes pièces, et ce sont des parties que tu n’aimes pas couper, parce qu’elles sont belles et qu’il t’en a coûté de les écrire, mais tu dois les conserver là où aucune puissance du monde ne pourra jamais les atteindre pour s’en emparer : il est clair que ce sont des endroits qui existent dans le monde, mais que personne ne peut connaître sans d’abord mourir, parce que ce sont des tombes. Tu dois avoir l’absolue certitude de cette merveilleuse et ultime propriété, si tu veux que, de façon transfigurée, la substance de ces morceaux, soustraits aux yeux de l’histoire, fasse à nouveau irruption à son insu, se faisant phénoménologiquement sentir. » (Claudia Castelluci, « Le syndrome de Platon dans le théâtre des opérations », in Les Pèlerins de la matière, p.31.)

1. Introduction

Le point de départ, un constat désormais partagé par beaucoup : l’accroissement brutal, et d’une rapidité suffocante, de la violence. Qu’elle se loge dans le tissu de la quotidienneté ou qu’elle se donne à voir dans la destruction systématique des conditions mêmes de la vie, qu’elle adopte la forme génocidaire, qu’elle soit dans l’usure lente, c’est ce régime de violence globale qui nous assigne inlassablement à reprendre la question de penser dans et contre la destruction.

Face à cette violence totalisante, on évoque souvent une impuissance collective ou son sentiment. Mais il ne s’agit peut-être pas tant de savoir ce qu’il faudrait faire que d’apprendre à désactiver les effets de sidération que cette violence induit. Autrement dit : il s’agit de desserrer l’emprise du capitalisme sur nos capacités d’agir, de sentir, de penser – pour ouvrir des prises sur le réel, au sens que Stengers et Pignarre donnent à ce terme dans La sorcellerie capitaliste.

Différentes stratégies, dites mineures, ont été élaborées face à cette saturation produite par la violence globale. Celle dont je voudrais parler ici s’appelle figuration. Et je souhaite l’aborder depuis un champ qui se signale d’abord par son ouverture : celui d’être orphelin vis-à-vis des grandes théories politiques, de leurs programmes, de leurs directives. J’insiste sur cette ouverture, car elle n’est pas un défaut mais une condition. C’est une manière de faire place à l’indétermination, de l’investir comme un ressort actif – une pièce primordiale de la puissance politique que cette figuration cherche à déployer d’une part, intensifier de l’autre. Mais c’est aussi l’intervention pratique de la figuration qui me paraît à interroger à l’aune de la violence destructrice de ce monde, d’un monde radicalement enfoncé dans la mort. Comment le cri « Nous ne voulons pas mourir » implique-t-il de prendre au sérieux nos stratégies politiques et nos abstractions, et une certaine vigilance quant à leurs effets ?

2. Figure et figuration

L’usage de la figure est devenu particulièrement central dans la pensée féministe et queer contemporaine à partir [1] des travaux de Donna Haraway, qui en a déployé toute une constellation : le cyborg, OncoMouse™, les espèces compagnes, le primate, le coyote, ou encore Cayenne, sa propre chienne. Ces figures ne sont ni de simples personnages ni des métaphores ornementales : elles incarnent un nœud sémiotico-matérielle [2], c’est-à-dire qu’elles sont à la fois des entités discursives et des agents incarnés, impliqués dans des relations concrètes, matérielles, affectives et politiques.

Chez Haraway, la figure se distingue fondamentalement de la représentation ou de l’illustration. Elle ne sert pas à exemplifier une idée abstraite ; elle est « une carte condensée de mondes contestables » (condensed maps of contestable worlds [3]). Autrement dit, la figure est un nœud actif, une forme instable et traversée de tensions, où s’articulent des savoirs, des régimes de pouvoir, des pratiques technoscientifiques et des attachements affectifs. Elle matérialise une multiplicité de rapports — aux corps, aux espèces, aux technologies, aux normes, aux territoires.

L’une des caractéristiques fondamentales de la figure chez Haraway est son incarnation dans le présent. C’est cela qui va nous intéresser dans cette stratégie de la figuration – et sa possibilité d’intervention. C’est que ce sont des entités qui agissent, qui nous obligent à penser depuis une situation et non depuis une abstraction. Le cyborg déstabilise les frontières entre humain et machine, OncoMouse™ cristallise les intrications entre souffrance animale, biotechnologie, capitalisme et production de savoir biomédical, les companion species (ou espèces compagnes) redessinent les contours de la subjectivité et de la responsabilité dans un monde partagé avec d’autres qu’humains. Ces figures permettent à Haraway d’explorer les manières dont nos subjectivités, nos alliances, nos engagements et nos attachements se construisent dans et par la relation, dans l’interdépendance.

C’est en ce sens qu’il faut voir ces figures avant tout comme des outils complexes et ambigus, capables d’insister sur les compositions, les hybridations et les zones de contact qui constituent nos relations au monde — en particulier à travers ce que nous pourrions appeler nos attachements territorialisés. La figure est ainsi une médiation active, qui fait exister des mondes et reconfigure nos modes d’être-avec.

Le travail de figuration, pour sa part, désigne le processus par lequel une figure opère. Ce n’est pas un simple geste rhétorique ou esthétique, mais une pratique épistémologique et politique située. Figurer, c’est articuler des relations entre discours, corps, objets techniques, affects et savoirs ; c’est faire monde à partir de formes instables, chargées, contradictoires. La figuration produit des déplacements des cadres de subjectivation : on ne pense plus selon l’opposition entre un sujet autonome et un objet passif, mais à partir de la matérialité des relations, des entrelacements, des co-productions.

Dans cette optique, la figuration devient une manière de penser en relation, de troubler les dualismes fondateurs de la modernité coloniale (humain/animal, nature/culture, sujet/objet, etc.) et de fabriquer des récits spéculatifs qui ne visent pas à stabiliser le sens, mais à accueillir la complexité, l’incertitude, les contradictions. Ces figures et ces figurations n’ont pas pour fonction de dire « ce qu’il faut penser », soit tout un discours prescriptif et mobilisant des abstractions creuses, mais plutôt de produire des conditions d’une pensée expérimentale et incarnée : des manières d’habiter les tensions, de cultiver des zones d’indécidabilité, d’éprouver la politique depuis l’intérieur de relations inextricables et partagées – ce qui nous fait participer.

Ces figurations, dès lors qu’elles ne sont pas de la tabula rasa sont à saisir à partir de ce que l’on nommera des mutations. Ces mutations s’inscrivent dans un autre régime que le régime destructif de la table rase : celui des attachements. Ce à quoi nous tenons, selon John Dewey – expression reprise dans les écologies pragmatiques contemporaines (Latour, Stengers, Hache) – constitue le cœur de cette entreprise. Cette manière de penser prend la forme d’une enquête pragmatique qui cherche à rendre compte de ces attachements, de leur consistance, de la manière dont elle constitue des systèmes de valeurs.

Mais ce que je voudrais ajouter à l’enquête pragmatique, c’est que ces attachements n’impliquent pas une conservation (qui se formule dans l’énoncé réactionnaire du « cela doit être ainsi et le rester », par exemple l’attachement à la binarité, à l’identité française, à la famille, etc.), mais une puissance de mutation, ou ce que je nommerais : une puissance défigurante. Ces attachements, loin d’être des points fixes, fonctionnent comme des attracteurs, des zones de tension dans l’indétermination, des nœuds d’intensité où se négocient les écarts. Dans cette perspective, je cherche à déplacer le queer d’une simple posture critique des normes vers un geste génératif, transformateur qui n’écarte pas la négativité du queer et qui ne se fond pas dans un angélisme de la minorité. Il ne s’agit pas d’ânonner la destruction pure, mais de flairer des désarticulations prudentes, non surinvesties, capables de faire advenir autre chose. C’est-à-dire que le champ des valeurs en est affecté : le queer, en ce sens, transmute les valeurs suivant l’appel de Nietzsche, et c’est dans cette transmutation que s’articule le lien entre politique et esthétique.

3. Figure et défiguration

J’emprunte à la philosophe Aline Wiame [4] le concept de défiguration, concept qui, dès son énoncation, s’ouvre à une tension constitutive avec celui de figuration. Mais il s’agira ici de s’en emparer de manière quelque peu scélérate — autre nom possible d’un geste pervers — à travers l’étude des formes de négativité portées par les pensées queer et décoloniales. Lorsque Wiame mobilise ce concept de défiguration, c’est dans le cadre d’une analyse des transformations de la subjectivité contemporaine à l’intérieur du dispositif théâtral. Cet usage nous est précieux. Moins parce qu’il permettrait de réinterroger le lien complexe entre politique et esthétique — lien toujours ambivalent, irrésolu, traversé au XXe siècle par des tensions entre aspirations révolutionnaires et mobilisation fasciste — que parce qu’il invite à prendre la mutation au sérieux, à la lettre : mutation comme défiance envers les formes établies de l’énonciation politique (notamment celles issues de la représentation parlementaire), mais aussi comme incertitude quant aux formes à venir.

L’artiste colombienne, Doris Salcedo a produit une esthétique de la mémoire et de la disparition qui l’a conduit à penser l’espace en termes de traces et d’attachements : lieu traversé par la violence, mais aussi par les formes de vie qui y persistent. C’est un travail particulier de la figuration qui a lieu dans son travail puisqu’elle ne cherche pas à représenter la violence mais la disparition produite par cette violence les effets et les conséquences d’une violence globale à partir du caractère fantomatique des attachements. La précarité est un mot clé de son œuvre. Cette précarité existentielle – politique, quotidienne – permet une nouvelle approche des attachements, non comme racines fixes, mais comme forces d’ancrage flottantes, attracteurs capables de composer dans l’incertain. Elle écrit :

La précarité est essentielle. (...) Quand on est pris dans un conflit, dans des conditions précaires, on ne peut même pas se souvenir des choses, et encore moins produire de l’histoire. L’histoire résume, aseptise et aplanit les différences, de sorte que tout semble avoir été parfaitement synchronisé dans une position unifiée. Nous n’avons pas cette possibilité. Nous ne sommes pas seulement confrontés à la précarité économique, mais aussi à la précarité de la pensée : une incapacité à articuler l’histoire et dès lors à former une communauté.

 [5]

Doris Salcedo, Untitled (2023)

Il ne s’agit pas de représenter l’histoire, mais de donner à sentir ce qui échappe à sa synchronisation unifiée. Dans ses œuvres, la prudence remplace l’exposition. Pas de représentation directe des victimes ni des armes, mais des objets intimes – chemises, chaises, lits – qui portent la mémoire silencieuse de la violence. Ses sculptures, comme Tabula Rasa – table réduite à l’état d’amas d’éclats qui sont recomposés un par un – prennent acte de l’impossibilité d’une table rase, et tiennent la tension entre destruction et reconstruction fragmentaire, lente, vulnérable. Les chemises empalées (Untitled, 1989-1990) témoignent d’une violence de masse.

La figuration devient alors autre chose qu’une représentation : elle introduit un ralentissement, une allusion, une trace. Cette trace, chez Salcedo, dit ce qui a compté (un monde de valeurs) sans que cela puisse être représenté. Elle est une modalité négative, opposée à la transparence référentielle du langage logique. Et pourtant, c’est par là que la figure, par cette ambiguïté revendiquée, que peut se produire une intervention dans le champ politique. Il ne s’agit pas par la recherche de la figuration de chercher une présence pure et originelle qui serait première par rapport à la représentation mais une autre manière de mettre en forme politique et esthétique, une présence qui résiste à la violence. Salcedo insiste souvent pour que l’on place son travail dans le champ de la figuration – avec tout ce que cela a de surprenant au regard de l’histoire de l’art. Mais je crois que l’on ne peut comprendre cette persistance de la figuration que dans cette trace de la violence qui aura déjà eu lieu.

Ainsi, il ne s’agit pas de faire de la figure une mimesis, mais de l’arracher à la fixité. La figure devient rythme, tension, monstration de forces. C’est pourquoi la défiguration, cette puissance de mutation, ne détruit pas la figuration, mais en révèle la fragilité, la temporalité, le devenir : la précarité existentielle. Elle défait les stabilisations institutionnelles des subjectivités – rôle, fonction, statut – pour y faire surgir des mouvements, des intensités, des rapports de forces. Penser par la défiguration permet de réinterroger la représentation, y compris politique. Il ne s’agit pas de revendiquer une présence pure, mais de rendre présent ce que la représentation écarte. Salcedo, en cela, propose une mémoire sans image, une figuration sans mimesis, un art qui résiste sans représenter.

Pour entendre pleinement la puissance de mutation, il nous faut écarter une petite (mais dévastatrice) mauvaise habitude de pensée. C’est qu’entre création et destruction, il n’y a pas de symétrie. C’est bien ce que nous montre le travail patient et incomplet de la reconstruction d’une table après sa destruction (Tabula Rasa) chez Salcedo qui part de l’impossibilité d’une telle table rase mais qui prend cette tension entre la destruction – lors d’une agression, d’une violence – et la reconstruction lente et fragmentée de ce qui suit une destruction brutale et qui se voudrait annihilatrice. Le capitalisme a produit des régimes destructifs efficaces qui ont porté sur les pratiques collectives dites prémodernes (les fameux communs) – I. Stengers répète souvent : nous vivons dans une cimetière de pratiques. Face à la lenteur et à la précarité de la fabrication – faire quelque chose, collectivement, est très lent et peut être détruit en un claquement de doigt. Ce n’est donc pas la destruction en soi qui importe, mais les formes de résistance à des régimes destructifs. La figuration doit reconnaître sa propre précarité : non parce qu’elle doit à chaque fois être remplacée dans une succession de figures qui seraient à chaque fois le nec plus ultra de la figure (le cyborg puis la sorcière puis le monstre puis le mutant puis...), mais parce qu’elle est toujours liée à une situation concrète et à un territoire. Avec Félix Guattari, on peut penser la figuration comme liée à ce qu’il nomme un « territoire existentiel », en tension constante entre formes actuelles et forces virtuelles [6]. Ce mouvement entre figuration et défiguration (un mouvement de territorialisation et de déterritorialisation), est une dynamique vivante d’attachements.

Doris Salcedo, Tabula Rasa VI (2018).

Ces attachements, je le redis, ne sont pas forcément des ancrages identitaires mais des puissances d’intensification. Ils permettent de créer du mouvement dans un espace figé par l’impuissance politique et la violence globale. Ils constituent des stratégies de survie, des rythmes singuliers, des manières de faire tenir quelque chose de très fragiles face aux régimes destructifs du capitalisme, de produire de la coupure dans le continuum de la violence globale [7]. Rythme, c’est alors le mot qui permet de problématiser les modalités d’attachement au monde du point de vue des pratiques collectives ; l’analyse des effets de la figuration dans notre champ praxique mais aussi de leur mise en scène. Cette manière de mobiliser les attachements ne vise donc pas à reproduire cette pensée des « déterminismes sociaux » [8] mais d’explorer ce qui intensifie les pratiques, et les risques pris dans cet exercice praxique.

La défiguration, enfin, ne s’entend pas comme ce qui vient dévoiler un fond caché, mais ce qui vient défaire les mauvaises abstractions. Les figures sont branchées sur des attachements, des réseaux de valeurs, des intérêts situés. Deux conceptions de la figure s’opposent : l’imitation d’une forme humaine (la mimesis), et la monstruosité comme excès menaçant. La défiguration se situe du côté de ce débordement. Wiame parle d’un « surplus » de la scène [9], d’un débordement qui rend les figures poreuses aux forces humaines, animales, végétales, historiques. C’est ce que permet la scène : produire des figurations débarrassées des faux-semblants de l’abstraction.

La pensée queer et décoloniale, parce que tenant à son ambiguïté, multiplie les usages de cette défiguration. Penser à partir des attachements signifie reconnaître que les éléments d’un territoire sont des convertisseurs d’intensité, que les subjectivités ne sont pas données mais expérimentées, créées dans l’interaction avec un milieu. Voilà pourquoi il ne peut y avoir de sujet politique pur, mais seulement des processus de subjectivation à l’épreuve de la précarité, de la violence, et du mouvement.

4. Le zombie : une figuration qui occulte

Ce recours à la défiguration s’enracine dans l’insuffisance du seul geste critique : pointer l’usage problématique d’un concept — ici, celui de la figuration — ne suffit pas à en désamorcer les effets délétères. Il ne s’agit donc pas tant d’opposer un contre-modèle que de déplacer l’attention vers ce qui, concrètement, est en train de se faire et de se défaire (un processus). Non une posture prescriptive (« il faudrait que »), mais un effort pour capter les dynamiques en cours. La figure, en ce sens, ne s’installe ni dans le retrait contemplatif ni dans le surplomb analytique ; elle s’inscrit dans le milieu, dans l’épaisseur des situations, toujours au contact d’autres figures. Elle n’impose pas un mode d’action politique selon sa propre grille d’intelligibilité, mais cherche à intensifier les formes de participation – en ce sens elle est un remède contre l’impuissance collective. Elle introduit une altération dans l’espace de ce qui est énonçable : une mutation des subjectivités et des lieux mêmes d’énonciation. C’est ainsi que la figure opère depuis une précarité constitutive, dans un mouvement fondamentalement indéterminé.

C’est dans ce mouvement que s’inscrit, il me semble, le travail d’Achille Mbembe sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine [10], lorsqu’il met en lumière les régimes de rationalité postcoloniaux. La pensée politique occidentale a historiquement exclu l’Afrique du champ même de la rationalité, reléguant les pratiques des sujets et des sociétés africaines à l’extériorité, à l’irrationnel, les rendant par là illisibles :

La recherche sur l’Afrique n’a, en effet, pas brillé par ses efforts pour intégrer dans ses analyses les phénomènes non-linéaires. De même n’a-t-elle pas toujours su rendre compte des comportements complexes. D’une part, elle a assimilé toute non-linéarité au chaos, oubliant que le chaos n’est qu’un des corollaires possibles, et non le seul, des systèmes dynamiques instables. En outre, elle a sous-estimé le fait que l’une des caractéristiques des sociétés africaines sur la longue durée, c’est qu’elles peuvent suivre des trajectoires temporelles d’une grande variété et des oscillations de très grande amplitude que l’on ne peut réduire à une analyse en termes d’évolution convergente ou divergente qu’au prix d’un extraordinaire appauvrissement du réel. D’autre part, la recherche sur l’Afrique s’est littéralement trompée sur la nature des comportements des agents africains. En ne les considérant que sous l’angle de l’imprédictabilité et de l’irrationalité (puisqu’aux yeux de ces analystes, ils semblent ne pas relever d’un calcul de maximisation, mais d’impulsions émotives dont la généalogie se trouve dans des répertoires ancestraux), elle a appauvri notre entendement de notions telles que la rationalité, la valeur, la richesse, l’intérêt, bref ce que cela signifie d’être sujet, c’est-à-dire capable d’agir efficacement, dans des contextes d’instabilité et de crise.

 [11]

À la rationalité occidentale du calcul, de la prévision et de la maîtrise, Mbembe oppose une rationalité incarnée dans les pratiques situées de subjectivités évoluant dans des contextes marqués par l’instabilité, la crise, la discontinuité. Cette rationalité est une manière d’habiter l’incertitude [12], une capacité à agir efficacement malgré — ou à travers — le désordre. Ce geste consiste à reconnaître l’expérience comme lieu d’élaboration des subjectivations, et à évaluer les effets concrets de leurs pratiques, là où la pensée occidentale les nie ou les fige dans l’exotisme. L’ordre, dans la logique occidentale, est lié à la fixité, à l’identique, à une homogénéité temporelle — une conception mono-rythmique du politique qu’il faut s’attacher à ébranler par la grande variété des processus temporels.

C’est ce qui, me semble-t-il, être le piège dans lequel tombent les anthropologues Jean et John Comaroff dans leurs analyses de l’Afrique du Sud post-apartheid, [13] lorsqu’ils mobilisent la figure du zombie pour penser les mutations subjectives produites par le néolibéralisme et les formes spectrales (et spectaculaires) de l’économie qu’ils nomment « économie occulte » Le zombie, chez eux, fonctionne comme croyance sociale, symptôme d’un désajustement collectif face à la financiarisation : une économie occulte où la sorcellerie rejoint la spéculation financière. Cette manière de mobiliser la figure rabat les subjectivités sur leur aliénation — et participe à faire écran aux formes concrètes de lutte, de réagencement, de résistance, qui travaillent pourtant ces espaces.

Toutefois, le geste des Comaroff rejoint celui de la figuration telle que je la conçois ici : un effort pour dire l’ici et maintenant, pour éclairer un présent situé, c’est-à-dire que la critique de la représentation et de sa médiation ne se fait pas en revendiquant une présence pure, mais par des jeux de mise en présence – il faut attirer dans l’ici et maintenant ce qui est écarté de la représentation Mais là où la figuration devrait permettre de rendre lisibles les enchevêtrements et les interdépendances, elle risque ici de participer à leur occultation, en réifiant des formes de dépossession. Toute figure, ainsi, court le risque de produire une redondance, des effets d’effacement, en prétendant décrire simplement. La répétition du geste métaphorique peut se confondre alors avec ce qu’elle voulait problématiser.

Ce que je cherche ici à tenir par la défiguration, et que je sois allé extirper ce concept dans le champ des études théâtrales n’est pas anodin, c’est bien d’aborder la question de la représentation politique par un autre bout. C’est-à-dire comment les figures s’élaborent à distance de la représentation, et contre elle : cela paraît à première vue incohérent en ce que les figures sembleraient appartenir à l’abstraction et donc à son mouvement abstrait de la médiation dialectique. Tout au contraire, il faut préciser que ces figures font jouer des attachements inattendus contre l’idée d’un sujet déraciné, abstrait. C’est à partir de là que nous pouvons comprendre comment les attachements vont venir percuter le politique traditionnel mais aussi reprendre la tâche d’une transmutation des valeurs. Les figures doivent donc être prises dans une mise en variation continue pour que leur monstruosité déborde la représentation.

5. Conclusion

Ce qui est en jeu, encore une fois, c’est la question de l’attachement. Le zombie des Comaroff est un être sans ancrage, sans racines — il incarne des attachements morts, suspendus, non opérants. Mais peut-être faudrait-il, au contraire, y voir un indicateur d’attachements en latence, d’une matière affective en attente de recomposition — ce que l’on peut chercher à réactiver. La figure, dès lors qu’on l’appréhende dans son va-et-vient avec la défiguration, peut jouer un rôle dans la configuration de résistances au régime de violence globale. Parce qu’elle implique la fabrication de nouvelles manières de se lier, elle peut activer des attachements qui fonctionnent à la fois comme points d’attraction — ce qui nous tient — et comme forces de ralentissement dans l’accélération néolibérale. En effet, les attachements ouvrent un espace d’attention aux conséquences : ils impliquent un souci des effets — fastes et néfastes — de ce qui se compose, se défait, se transforme. Et, partant, une forme de prudence, au sens pragmatique du terme, dans la manière dont nous engageons des relations, dans nos modes de composition (Stengers)  : comme le préconise Latour, il faut interroger les attachements autrement : « est-ce un bon attachement, ou un mauvais ? », « trier dans les attachements eux-mêmes ceux qui sauvent et ceux qui tuent » [14]. Ce questionnement produit alors un champ d’expérience partagée : ce à quoi nous tenons face à la barbarie qui vient. C’est là, dans cette économie fine de la relation, que la figure peut opérer politiquement.

Penser à partir des attachements signifie de concevoir que les éléments du territoire existentiel sont des intensificateurs et des convertisseurs [15]. Et que les subjectivités politiques trouvent des potentalités et des intensités à partir de leurs attaches, et non des médiations abstraites du sujet politique traditionnel. C’est là une rupture avec la conception traditionnelle du sujet comme ce qui préexiste, est stable et est le grand donateur du sens au monde qui l’entoure. La subjectivité signifie la création permanente prise dans les interactions avec son milieu, ce faisant elle permet, pour reprendre la formule de Latour, d’apprendre à « trier » entre les bons et les mauvais attachements selon les manières d’être affecté par eux. Voilà pourquoi cela nécessite une notion d’expérimentation absente dans la notion de sujet : le territoire est expérimental, il n’attend pas d’être doté de sens par la décision d’un sujet.

Parler de puissance de défiguration, c’est enquêter sur (et donner à voir) comment nous aménageons un espace et y inscrit des rapports de forces. Et comment ces espaces servent à dire quelque chose de notre actualité, d’un déchaînement actif de la violence, de comment cette violence en vient à occuper une sorte de position de surplomb sur le quotidien. Dès lors de comprendre quelles stratégies des groupes vont élaborer pour d’une part y résister, y tenir, faire importer ce à quoi ils tiennent, mais aussi cherchent à casser cette logique de la violence et de son expression totalisante, à élaborer alors des rythmes très singuliers, en propre, une foule de manières de produire du mouvement dans un espace qu’il ne faut pas tenir pour immobile mais comme figé par l’impuissance politique due à la logique de la violence, ce sont les critères existentiels des groupes politiques qui doivent nous intéresser.

Derechef : parler de puissance de défiguration, c’est bien loger dans la figuration une puissance qui ne l’annule pas mais qui la spécifie : il s’agit tout bonnement de faire de la figure non une fixité mais un rythme destructeur des fixations [16] – que l’on pense à une triade rôle-fonction-statut qui vient fixer les subjectivités dans les institutions, c’est-à-dire les individualiser en les positionnant les unes par rapport aux autres. Ce sont là des processus de normalisation des désirs et des affects, que l’on peut nommer grégarité. La défiguration est alors un geste de problématisation des nos institutions : la défiguration est le mouvement d’une figure, pareille à l’Entstellung freudienne [17] faite de déplacements successifs qui métamorphosent le sujet. Mais ces déplacements ne sont pas des arrachements brutaux du sujet, ils nécessitent de produire des territoires où s’inscrire, se déplacer, se muer. La défiguration, loin d’être une simple perte ou un effacement, opère dans le champ ouvert de l’indétermination : elle déjoue les régimes de visibilité qui enferment les corps dans des schémas identitaires, et expose les violences constitutives des systèmes de reconnaissance dominants. Par là, elle rend sensible ce qui est ordinairement occulté : les devenirs minoritaires, les existences dissidentes, les histoires disqualifiées. La figuration est un processus qui met en avant les attachements, dans leur force créatrice et affirmative. Mais elle risque de rendre illisibles les acteurs eux-mêmes et leurs élaborations pratiques de résistance si elle n’est pas tenue à la défiguration – c’est-à-dire cette puissance de produire un monde qui ne nous est plus hostile. C’est là une des grands apprentissages des luttes décoloniales et de la tradition radicale noire : la destruction du monde colonial – et sa destruction totale – est une nécessité pour que puissent se régénérer ce qu’il a détruit. La figuration, en se détachant de ce projet-là, encourt le risque de rendre seconde, pas si importante, la puissance révolutionnaire, de la condamner d’avance comme une puissance destructrice irrationnelle alors qu’elle lutte en réactivant ce que le colonialisme a voulu et a pu détruire, en réaffirmant un principe premier : ce qui est vivant est menaçant pour l’ordre d’un monde mortifère.

La défiguration n’est pas afiguration : elle ne porte pas le privatif qui viendrait comme nier la figure – son apparaître. Mais c’est bien une puissance de coupure avec une représentation du monde qu’elle porte, c’est-à-dire ce qui conserve et rejoue la violence destructrice de ce monde. Visant à casser les coordonnées de ce monde et empêcher sa recomposition à l’identique [18], la défiguration est une réponse à l’insatisfaction de la figuration quant à la destruction de ce monde. C’est quand un tel geste de déplacement (ou de désidentification dirait la théorie queer) est détaché de ce qui l’abreuve, le meut, qu’il devient un pur geste de violence destructrice – une violence qui est indifférente au monde que nous voulons créer. Les dispositifs régénératifs de la figuration doivent être en prise avec cette question – ce qui ne signifie pas reproduire l’idée d’une négativité primordiale qui viendrait les alimenter. En somme : comment faire pour que les coordonnées dans lesquelles la figuration se forme ne soient plus les mêmes à l’arrivée [19] : dans le geste puissant de la transfiguration. La figuration ne part pas de nulle part : mais elle a besoin de casser les images qu’elle génère pour vivre sans interruption.

Quentin Dubois

[1Je voudrais préciser d’emblée que ce à partir ne renvoie nullement à une maternité théorique ni à une primauté. Tout comme la narration spéculative de Haraway, cette figuration s’inscrit dans les multiples gestes théoriques et littéraires non blancs – Haraway elle-même insiste sur sa dette à l’encontre de Gloria Anzaldúa. Voir par exemple l’entretien avec I. Reti, « Edges and Ecotones : Donna Haraway’s Worlds at UCS ».

[2Pour une analyse plus approfondie du sémiotico-matériel ainsi que de l’incarnation, je renvoie à l’ouvrage de Nathalie Grandjean, Généalogies des corps de Donna Haraway. Féminismes, diffractions, figurations, Bruxelles, Editions de l’Université de Bruxelles, 2021.

[3Donna Haraway, Modest_Witness@Second_Milllennium. FemaleMan©_Meets_OncomouseTM. Feminism and Technoscience, New York et Londres, Routledge, 1997, p. 11.

[4Aline Wiame, Scènes de la défiguration. Quatre propositions entre théâtre et philosophie, Paris, Les presses du réel, 2016.

[5Dans un entretien entre Doris Salcedo et Carlos Balsuado, in Doris Salcedo, Carlos Balsuado, New York, Phaidon Press, 2000, p. 25. Traduction personnelle.

[6Aline Wiame, Ibid., p. 96. Ou encore des virtualités actualisées : des sortes d’opérateurs qui nous font faire quelque chose.

[7C’est ce champ pratique des coupures que je propose reprendre à partir de ce jeu de la figuration et de la défiguration, qui ne participe pas d’une suture mais d’une coupure dans l’ordre établi. Et c’est bien cela qui va nous intéresser : tenir ensemble la coupure et la mutation pour le rapport politique et esthétique – ce qui implique de ne plus concevoir le geste de la coupure comme une table rase mais comme une défiguration des anciennes significations – impliquant une mutation des coordonnées de la subjectivité, ou recon-figuration. C’est là je crois ce que Haraway a nommé le trouble et qui nous donne la tonalité des politiques transmutantes : l’ambiguïté.

[8Un des problèmes de l’approche sociologique des déterminismes sociaux, c’est qu’elle est trop marquée par une compulsion au dévoilement : les groupes sociaux, les acteur.rices seraient dupes et il reviendrait aux sociologues de les éclairer sur ce qui les meut. Double geste : les acteur.rices croient en leurs attaches (croyance) et sont totalement dupes des déterminations sociales qui les font agir (illusion). Le seul mouvement dit révolutionnaire proposé par un tel geste critique est celui du détachement. Et sa violence n’est nullement interrogée. En rupture avec une telle attitude, la pensée des attachements insiste sur l’indétermination de ce qui meut, une sorte de principe d’incertitude qui ouvre au ricochet des occasions – « Elle peut aussi fournir une occasion pour que d’autres choses se mettent à agir. », B. Latour, Changer la société. Refaire de la sociologie, Paris, La Découverte, 2005, p. 86.

[9Ibid., p. 101-102.

[10Achille Mbembe, De la postcolonie. Essai sur l’imagination politique dans l’Afrique contemporaine, Paris, Karthala, 2000.

[11Ibid., p. 37-38.

[12Voilà une tout autre manière d’habiter le trouble et de recomposer avec ses figures.

[13Jean et John Comaroff, Zombies et frontières à l’ère néolibérale. Le cas de l’Afrique du Sud post-apartheid, Paris, Les Prairies ordinaires, 2010.

[14« S’il ne s’agit plus d’opposer attachement et détachement, mais les bons et les mauvais attachements, il n’y a qu’un seul moyen pour décider de la qualité de ces liaisons : s’enquérir de ce qu’ils sont, de ce qu’ils font, apprendre à être affecté par eux. » Bruno Latour, « Factures/fractures. De la notion de réseau à celle d’attachement » in André Micoud et Michel Peroni, Ce qui nous relie, éditions de l’Aube, La Tour d’Aigues, p. 192.

[15En cela, il me semble participer de ce que j’avais repris à partir d’une pragmatique générative et d’une pragmatique transformationnelle dans « Notes pour des volutions anales », Trou Noir.

[16Il s’agit de concevoir les attachements comme relevant des pratiques collectives plutôt que attributs : cette manière de les penser à partir d’une ontologie processualiste plutôt que substantialiste implique dès lors de concevoir le rythme comme une pratique quelque peu rebelle aux synchronisations qui aplanissent les subjectivités. Le rythme est un processus actif – sa tension positive rencontre une tâche destructrice. Je renvoie sur ce point au texte « Le caractère destructeur de la sexualité », Q. Dubois, Trou Noir 3. Aimons-nous le sexe ?

[17« La déformation d’un texte se rapproche, à un certain point de vue, d’un meurtre. La difficulté ne réside pas dans la perpétration du crime mais dans la dissimulation de ses traces. On souhaiterait redonner au mot Entstellung son double sens de jadis. Ce mot, en effet, ne devrait pas simplement signifier « modifier l’aspect de quelque chose », mais aussi « placer ailleurs, déplacer ». C’est pourquoi dans bien des altérations de textes, nous sommes certains de retrouver, caché quelque part bien que modifié et arraché à son contexte, ce qui a été supprimé et nié, seulement nous avons parfois quelque difficulté à le reconnaître. » (S. Freud, Moïse et le monothéisme, [trad. Anne Berman], Paris, Gallimard, 1948, p. 65.)

Toutefois cet arrachement du contexte est plutôt le geste de rupture d’un accès total au profit des fragmentations subjectives : ce qui est défiguré est mis en scène dans la figuration qui ne totalise pas mais fonctionne par association.

[18« Reconnaître la condition d’impossibilité de créer, c’est la raison obscure qui précède le geste qui pose une autre création par rapport au monde déjà trouvé. Le théâtre non seulement est conscient des liens mondains qui limitent sa liberté d’expression, mais il est précisément à la recherche de l’empêchement, comme d’une condition qui lui permet, de façon paradoxale, le geste d’une nouvelle création. » Schelling, Les Âges du monde, Paris, PUF, 1992. Il faut reprendre ce que dit Schelling de l’empêchement à partir d’une idée de l’intervention pratique – d’un théâtre-pragma, comme l’a théorisé et réalisé le théâtre de Claudia et Roméo Castelluci.

[19Quelque chose qui tienne de l’attentat de Mallarmé (« Allons droit à l’attentat futur – », S. Mallarmé, Sauvegarde).

Du même auteur
Homosexualité et civilisation : perspectives vitalistes à partir de l’anus
Analyse -

28 Décembre 2020

Quentin Dubois

« Du côté de l’homosexuel, il y a dans ce corps pénétré une perte de pouvoir à laquelle le pouvoir d’inquiéter doit venir répondre politiquement. »
Par Quentin Dubois

Leo Bersani (1931 - 2022) : Hommage à un traître
Portrait -

28 février 2022

Quentin Dubois

« L’anus sera producteur de vie »

Élodie Petit ou l’horreur du solide
Lecture -

28 mai 2022

Quentin Dubois

« Fiévreuse plébéienne est le premier traité dissident (transpédégouine) de physique. »

Histoire de l’anus I : l’orfèvre et l’éducateur Quentin Dubois

« Car, je le redis encore, c’est l’anus qui est le siège des impulsions »

Art
Performer la désidentité - par José Esteban Muñoz
Analyse -

28 avril 2021

José Esteban Muñoz

« Un homme ? Où as-tu vu un homme ? »

La possibilité d’une vie non fasciste Klaus Theweleit

Extraits d’une entretien inédit avec Klaus Theweleit à paraître aux éditions Météores.

Queer
RÉCITS CRIP POUR DES FUTURS DÉVALIDÉS

« Dévalider, dans ce cadre crip signifie donc : refuser la validation du validisme, et, plus avant, questionner le monde qui le rend possible. »

AlQaws : un regard queer pour la Palestine
Manifeste -

28 mai 2021

Connaitre AlQaws et les queers palestiniens