Dialogues avec le monde sourd est un texte court de Giuseppina Comito qui a notamment publié Pardon, je me rattraperai sur le site Lundi Matin. Giuseppina vient des arts vivants et performatifs, de la scène parlée, et l’écriture est pour elle : "un espace de silence, où la transmission invisible permet un échange plus intime". Bonne lecture.
1.
C’est très important d’adopter les bons gestes en ces temps spécialement durs, et nous devons nous montrer solidaires. Lorsque nous arrivons sur notre lieu de travail, il est primordial de trouver un endroit chaud et confortable pour poser notre tête et piquer un petit somme d’au moins une demi-heure pour récupérer du trajet réalisé pour venir, qui souvent constitue un effort énergivore sous-estimé et nous prend, si on est réaliste, entre une demi-heure et une heure et demi. Et cela n’est qu’une moyenne. Au réveil de cette mini sieste, ce qu’il se passe la plupart du temps c’est que la/le supérieur hiérarchique nous instruit, parfois avec une voix très agitée, de tout ce qu’il y a à faire, c’est toujours très pressé et la liste est souvent plus longue que les heures de la journée, donc là, juste pour évacuer l’intonation de la voix et la formulation que la personne a adoptée à notre égard, il faudrait faire immédiatement un jeu léger d’environ deux heures où on pourrait entrer en connexion avec les meubles de la pièce comme si ils étaient des personnes et pouvoir rire avec eux et retrouver l’envie de faire. Ça peut être par exemple, jouer à cache-cache avec l’étagère n°6, comment faire pour qu’elle ne me voit pas et trouver tous les recoins où je peux être sans que je sois dans son champs de vision. Car ce jeu va aussi nous aider à métaboliser toutes les tâches à accomplir et éviter le stress et la pression que celles-ci inspirent inévitablement à notre organisme. Bien sûr, on peut être à court d’imagination mais c’est justement ça qui est important, il faut pas lâcher parce que les meilleurs jeux sont inventés quand on croit qu’on a plus d’idée, et d’ailleurs ce sont souvent les objets qui nous les apprennent. Lorsque ce temps de récupération énergétique et créatif a été pris, généralement c’est le temps de la pause déjeuner et il ne faut surtout pas se sous-alimenter, passer son tour, ou croire qu’on n’a pas faim parce que c’est jamais vrai. Une fois qu’on a reçu l’énergie d’un déjeuner joyeux, il est généralement 15h si on a bien pris le temps d’ingestion et de digestion recommandé par les autorités de santé, il faut pas lésiner l’effort de mastication, alors seulement on peut se mettre tranquillement à résoudre une tâche après l’autre avec un maximum d’affection pour l’environnement dans lequel on respire, les objets avec lesquels on est en contact, peut-être les regards qu’on croise, et tous nos micro-muscles qui nous permettent invisiblement de tenir notre colonne vertébrale à la verticale et de faire chaque merveilleux et insignifiant mouvement, utile à la réalisation de nos tâches laborantines ou simplement à notre propre plaisir. Si d’aventure, nous avons à faire à des clients en plus de toutes ces interactions, nous pouvons penser, après chaque échange, à expirer profondément et discrètement par la bouche qui fait un petit « o » comme si elle avait une paille entre les lèvres. Cela permet ensuite de reprendre une longue inspiration régénérée et recharger en sympathie pour soi-même.
2.
Si je choisis de prendre un temps solitaire parce que je suis au travail ou en voyage, je peux par exemple m’enfermer dans les toilettes si je veux vraiment être seule, mais je peux aussi trouver un mur un peu délaissé et me poser face à lui, il faut espérer que les mauvaises odeurs n’ont pas choisi le même endroit que nous. Sinon, dans ma voiture si j’en ai une, ou bien c’est aussi un temps qui peut être pris en public selon le degré de public et l’intensité souhaitée. C’est un temps qui peut être plus ou moins spirituel, c’est-à-dire lié à des pensées, des fantasmes, des rêveries. Mais c’est important de ressentir que je les vis dans mon corps quand même, dans l’instant où mon imagination les crée. Par exemple si je suis en train de me promener dans la rue et je respire profondément parce que j’ai décidé de prendre ce temps en mouvement et dans l’espace public, je peux imaginer que mes tétons sont en train d’être croqués et sucés par un être vivant, mais ça me modifie inévitablement. Ça va me modifier dans ma respiration, dans ma marche, et ça va même pouvoir créer des hallucinations bienfaisantes concernant l’environnement qui m’entoure, et tout va devenir plus agréable. Si j’ai pris un temps au calme, je peux faire tout un tas de choses, seul.e ou avec d’autres personnes, objets, animaux, qui ont aussi besoin de caresses et hormones positifs au bonheur. Dans ce cas là, je ne donnerai pas d’exemple, chacun doit pouvoir entendre son corps et si on n’a pas encore l’habitude, parce que c’est nouveau ce truc, eh bien ça va venir avec l’exercice et on sera de plus en plus aiguisé et précis dans cette écoute, ce qui développera considérablement l’imagination et les sensations de plaisir, à terme.
L’impératif de prendre soin de nous ne peut clairement pas être considéré autrement qu’en prenant un temps quotidiennement consacré à la sexualité, exclusivement pour notre plaisir personnel et gratuit. Les molécules d’amour qui sont dans l’espace n’attendent effectivement que notre attention et notre désir de les partager, et nous avons absolument besoin d’elles pour faire face à la dépression chronique liée à l’alliance des grandes puissances financières sans lesquelles nous n’aurions pas tous ces problèmes.
3.
A présent, il est possible de renommer une réalité et changer totalement le paradigme dans lequel on a vécu toute notre vie, ça nous permet de ne pas nous ennuyer et surtout d’envisager qu’il y a des mondes parallèles et que nous pouvons basculer de l’un à l’autre facilement, enfin plutôt que nous pouvons glisser dans un autre monde sans recourir à la vaseline. Effectivement, on ne sait pas si on peut revenir dans le précédent parce que ça paraît avancer très très vite et, certaines réalités ayant le vent en poupe, ça permet de se faire beaucoup d’argent. A présent, je peux avoir un mal de tête, une IST, un torticolis paralysant, une infection urinaire, ressentir rien du tout ou une gastro, c’est la même chose. Je ne me sens pas malade ou je suis en train de crever à la mort, c’est pareil. Je n’ai jamais partagé une sexualité avec quiconque et j’ai déjà partagé une sexualité avec au moins une personne en plus de moi-même, il n’y a pas de différence fondamentale au regard du système de santé sociale et psychique. C’est merveilleux. Plus on accepte cette virtualité virtuose, plus nous pourrons nous épanouir tout en souplesse. Certaines subtilités ne viennent plus nous emmerder la vie.
4.
Apparemment je dois rester 10 jours chez moi parce que je suis pas vraiment désirée dans l’espace de travail en commun mais je peux travailler depuis chez moi, nouvelle option merveilleuse de ce monde en évolution, parce que même si je suis en train de cracher mes poumons je peux lire la quarantaine de mails qui arrivent sur la boîte et les traiter depuis mes chiottes sur lesquels ma tête repose entre deux régurgitations. Quand mes yeux ne tombent pas dans les abysses sombres de la faiblesse, je peux voir les messages de ma chef et ça c’est quand même incroyable parce que j’aurais besoin à ce moment-là de lire un texto de ma meuf qui me dit qu’elle m’aime inconditionnellement, mais comme je ne l’ai pas reçu, ça me fait chaud au cœur quand même de voir que quelqu’un pense à moi. Même si elle me dit de faire trois trucs que j’aurais pas le temps de faire de toute façon entre les mails que j’ai déjà reçus, mon temps sexuel quotidien minimum, mon temps de repos syndical et mon temps de rêve obligatoire. Ce qui est bizarre c’est que je me sens malade comme une chienne mais personne me consacre un temps de maladie, qui incontestablement pourrait remplacer tous les autres pour une période indéterminée d’avance puisque on ne sait pas quand les monstres vont quitter la teuf géante qui visiblement s’organise une POOL PARTY dans mon organisme. La piscine à débordement ça devait être trop luxe pour eux donc c’est moi qui me charge des évacuations en attendant. C’est comme ça que les carreaux de ma salle de bain deviennent mes nouveaux collègues, sur lesquels je peux hurler sans qu’ils fassent les yeux ronds. Je peux aussi les caresser, m’assoir contre eux, frotter ma bouche et tourner ma langue pour retrouver des sensations perdues. J’avoue ça fait du bien dans les moments où mes yeux voudraient très fort pleurer.
5.
Excusez, moi mademoiselle, je dois vérifier l’état de votre glaire cervicale parce que seules les personnes qui ont pris du plaisir il y a moins de 72h peuvent entrer dans ce bistrot, et si elle est totalement invisible ça n’ira pas, vous permettez que je mette mon doigt sur l’enregistrement de votre dernier orgasme pour contrôler que c’est bien votre voix ?
Eumh… il n’y a pas de lien entre l’état de la glaire cervicale à un instant T et le pl…
Si vous permettez, je dois vérifier la date et votre date de naissance pour faire un lien avec l’orgasme de votre conception. Ah, à voir votre tête on dirait qu’il n’y en avait pas ?! Mince, oui, ça arrive. Malheureusement, sous la pression de la reproduction de la population riche et blanche de moins de 35 ans, beaucoup d’enfants qui naissent ont été conçus sans orgasme. Cela n’a aucune incidence sur votre santé, heureusement et vous êtes libre de prendre du plaisir autant que possible. TEMPS. Après, si vous ne produisez pas de cyprine en quantité suffisante pour effacer la douleur pénétrante, et que vous n’avez pas envie de faire recours à des adjuvants, pensez qu’il est possible d’avoir d’autres types de rapports avec les autres. Vous pouvez par exemple jouir de l’introduction d’un corps étranger – contendant ou moelleux – dans vos canaux nasaux, auriculaires ou rectal. La bouche étant à prescrire vu le nombre de microbes qui peuvent se transmettre par la langue. Il faut savoir que la bouche est la plus grande cavité humaine, et telle la grotte de Lascaux, beaucoup de trésors s’y conglomèrent. Le sexe féminin en revanche est auto-nettoyant et, de plus, il se trouve complètement à l’intérieur du corps donc, aucun risque. La seule chose qui puisse se passer, c’est qu’on lui apporte des mauvaises bactéries, le pauvre, par introduction d’objets ou de chairs étrangères. Mais lui ne peut rien transmettre s’il ne l’a pas reçu d’abord de l’extérieur. Quelle merveille de l’humanité, n’est-ce pas. Jouissez donc avec des organes féminins et vous serez en sécurité. Je peux contrôler l’identité de votre dernier partenaire ? Ah, c’était un homme, dommage. Vous avez donc 5 fois plus de chance sur 1 million d’être contaminée par la déception.
Chance ?
…
Plus que quoi ?
Eh bien, plus que si c’était une femme.
Et si c’est une personne trans ?
Ah, alors ça dépend si la personne a introduit quelque chose dans votre corps ou bien si elle a simplement agi sur sa surface, retour à la première question n’est-ce pas. La salive dû aux lèchements du corps, que ce soit par désir altruiste ou par un désir refoulé d’engloutissement, disons même par « amour », est tout à fait inoffensive sur toutes les parties du corps, sauf à l’intérieur de la cavité buccale et nasale. La langue peut entrer dans le sexe sans aucun risque, et même faire des petits mouvements en cerceau de manière infinie le plus loin possible. TEMPS. Il faut juste penser à la désinfecter avant. Avec de l’aloe Vera ou simplement du bicarbonate, à mettre sur vos mains en frottant bien cinq fois dans chaque sens comme si vous aviez froid aux doigts. Ensuite la langue sera prête automatiquement sans autre précaution. Par contre, vous ne pourrez plus introduire vos mains en complément dans le vagin sans les avoir préalablement lavées, parce qu’on sait bien qu’elles sont d’une grande aide dans la création du plaisir. Vous avez besoin de l’explication pour ce qui concerne votre partenaire ?
Pour sa sécurité, comme il vient de se faire injecter un produit pour atteindre un pic d’orgasme plus longs – entre 1 et 10 minutes de climax –, il doit s’entrainer avec un maximum de personnes d’ici les 15 prochains jours pour que le produit comprenne bien qu’il va devoir s’activer pour fonctionner normalement. On lui a donné48h pour tester une montée d’orgasme en 30 minutes avec 10 minutes de climax et si ça ne fonctionne pas, il devra refaire une injection mais dans ce cas, il risque aussi de doubler le temps du climax, ce qui pour le moment ne l’intéresse pas vraiment. En même temps, s’il n’y arrive pas en 48h, cela signifie aussi qu’il n’atteindra jamais les dix minutes de climax orgasmique, ce qui est quand même l’effet recherché. A partir de quand on peut dire que l’injection n’a servi à rien ?
Alors, moi je fais le service, le placement, le contrôle et l’avertissement dans ce bistrot, où je prépare aussi les cafés et les encaissements, donc je saurais pas vous dire, mais je crois que pour les personnes trans c’est plus complexe le temps que le produit s’adapte.
Ah, d’accord. Bien sûr c’était prévu qu’il demande lui-même, mais vous êtes aussi un bon conseiller en matière de plaisir parce que vous avez été obligé de vous former à force de contrôler les gens et le temps sexuel qu’ils s’accordent quotidiennement pour pouvoir les assoir au café
Oui, c’est vrai, d’ailleurs j’ai vachement plus d’expérience maintenant que je reçois sur mon smartphone tous les enregistrements des orgasmes des clientes et clients, même s’ils sont cryptés on reconnaît plusieurs tendances et plusieurs intensités, ce qui fait que je sais mieux en faire moi aussi.
6.
En fait j’ai pas vraiment besoin de mettre ma main à l’intérieur, je peux juste mettre ma langue dans une bouche et c’est une zone suffisamment accessible pour me permettre de racler les molécules vivantes qui se trouvent juste à la limite du palais mou et des amygdales, parce que c’est là où elles sont le plus variées et riches, en vitamine D notamment. Donc j’ai envie de dire que pour baiser utile, ce type de pénétration s’est avérée beaucoup plus efficace et en plus il y a plus d’équité parce qu’on a tous une bouche, les amygdales c’est pas sûr mais la bouche, il y a quand même peu de chance qu’elle soit composée différemment d’une personne à l’autre. Parfois il y a des petites bouches donc si je m’aventure jusqu’au larynx je peux avoir l’impression d’être un peu intrusive, mais si la personne a envie de vomir d’un coup, je le comprends tout de suite et je change de stratégie, je peux lui faire des gratouilles au palais avec le bout de ma langue pour la réconforter par exemple. Il faut savoir que ce type de transaction humaine (il n’est pas vérifié que les mêmes effets soient produits par des échanges salivaires entre humains et animaux) génère une forte expansion puissante de nos défenses immunitaires qui pourra ensuite coder sans difficulté tous les éléments et êtres qu’il rencontrera, afin de l’aider dans son système de protection. Ce qu’on ne m’avait pas dit tout de suite, et que malheureusement j’ai découvert en pratiquant, c’est qu’il y a des effets secondaires à ce type d’exploration, qui peuvent être gênants ou indésirables selon votre rythme de vie et vos ambitions, c’est que ça crée assez automatiquement une accoutumance, pour pas dire une addiction, alors avec ce besoin exponentiel de baiser, je passe de plus en plus longtemps et aussi de plus en plus de temps à faire ça ou à penser à ça ou à planifier ça ou à enclencher un processus d’échange de consentement mutuel à visée sexuelle.
7.
Du coup, je me suis retrouvée avec un bracelet électronique, mais on ne m’avait pas prévenue alors c’était trop tard, j’avais tellement rêvé ce monde que ma colère n’était plus suffisante pour faire marche arrière. Il me fallait faire des projets au jour le jour mais quand même avec une forte compétence en calcul mental et essences florales pour mélanger les salives des gens et des choses que je voulais embrasser.
La pression de faire les bons mélanges, les bons timings, est-ce que je me sens assez bien pour mettre l’Artemisia avec la lavande ou je devrais plutôt me contenter de l’essence de bananier. Est-ce que 87 dans 32m2 ça fait une quantité suffisante de salive disponible ?
8.
Aujourd’hui, je prends le train régional, c’est plus écologique qu’un transport personnel - j’entends voiture personnelle ou chauffeur - et au niveau de l’écologie de l’esprit aussi c’est plus sain parce qu’on est plusieurs dedans. Ça permet de nous fédérer ensemble pendant un certain temps, parce que parfois j’ai besoin de réaliser que les gens sont réels, qu’ils existent vraiment, et d’être avec eux dans un train par exemple, c’est un bon moyen de les regarder vivre et de me rendre compte qu’on partage une réalité en commun, même si on n’a pas une validation vraiment scientifique de cette impression, on peut au moins avoir un sentiment de partager quelque chose. Même si le doute persiste au sein de ce sentiment rassurant. Du coup je préfère accorder le plus de temps possible à mon trajet, pour pouvoir laisser cette sensation m’habiter et espérer gagner de plus en plus de confiance en l’existence d’une réalité extérieure. Après, j’avoue que je prends aussi le train régional parce que, pour entrer dans le train, il y a un agent de sécurité qui doit vérifier le billet et effectuer des contrôles supplémentaires au niveau du tronc, en mettant sa main sous nos fesses, mais vraiment entre nos jambes en fait, et de cette façon, il peut relever un peu deux doigts et bouger sa paume de gauche à droit assez rapidement pour palper au niveau de l’anus et aussi devant. Et ça, vraiment, je trouve important pour la santé publique parce que si tout va bien à ce niveau-là c’est qu’on passera un bon moment dans le train en compagnie des autres voyageurs, qui ne se regardent pas les uns les autres parce que c’est assez intrusif de prendre en considération un voyageur pendant son voyage, mais au moins on sait qu’ils vont bien et c’est l’essentiel. Ça nous remplit le cœur de joie de pouvoir être en pleine santé. Parce que dans le train rapide, les contrôles s’effectuent un peu différemment, après chacun choisi ses préférences, et selon ses besoins, parce que quand même notre corps nous appartient. Du coup, si vous préférez que l’agent mette sa main par l’avant, il vaut mieux prendre les TGV, Lyria, Ouigo, et tout ça, c’est une autre technique qui permet de détecter des anomalies légèrement différentes mais tout de même, parce qu’en le faisant comme ça, parfois il y a quatre doigts d’un coup qui entrent dans le vagin s’il est un peu pressé et s’il se trouve que c’était glissant pour une raison quelconque, ça peu être un peu désagréable sur le moment. Mais après ça dépend surtout d’à quel endroit on a le plus besoin d’être pris en charge. Parce que si c’est pour ne passer qu’une heure trente à faire le trajet, autant que ça nous serve vraiment à quelque chose d’être contrôlé par devant.
9.
Moi j’ai un peu du mal avec les rapports hiérarchiques dans le sexe parce que il y a en a déjà partout, alors je ne me sens pas vraiment bien intégrée parce que pour avoir l’allocation du droit à la vie pour tous il faut justifier de participations régulières à des pratiques BDSM, et bon, à la limite ça ne me dérange pas de jouer encore à subir des trucs pour le sexe mais au moins alors je demande à avoir les yeux bandés, et parfois on me bande aussi la bouche pour que je ne pose pas des questions quand je n’ai pas compris ce qu’on me demande de faire, parce que oui, dans mes préférences sur ma carte vitale de sécurité on a pu cocher nos préférences, et j’ai dit que j’aimerais mieux qu’on me challenge pour faire des actions les yeux bandés plutôt que de juste me soumettre, alors ils ont acceptés parce que le but de l’espace sexuel c’est quand même que ça nous fasse plaisir, donc la condition c’est qu’ils trouveraient quelqu’un qui prenne du plaisir à me donner des ordres, enfin des actions à faire les yeux bandés, c’est comme ça que je me suis retrouvée au bord d’un ravin sans le savoir la dernière fois et il m’a demandé d’avancer comme si j’étais au feu vert dans la rue des Archives, une traversée tout à fait inoffensive, un feu où on peut passer d’un pas tranquille et décidé même quand il est rouge, quoi.
Giuseppina Comito
Crédit photo : Patrick Weldé