TROU NOIR

Voyage dans la dissidence sexuelle

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Réunir ce que le capitalisme a séparé

Il y a quelque temps, nous recevions la proposition de publier une critique de Par-delà les frontières du corps de Silvia Federici. Son auteur, Cory Austin Knudson (on peut la lire ici) y énumère ses désaccords et développe un contre-argumentaire au cours duquel le texte de Silvia Federici passe au second plan. L’auteur de la critique s’acharne à habiller Silvia Federici des oripeaux de l’ennemi, de l’ignorance et de l’intolérance. La critique politique devient acharnement personnel, inaudible et excessif. Nous avons ainsi fait le choix d’étudier de plus près ce petit livre qui suscitait tant de passion. L’article qui suit à pour vocation de rappeler qu’un mouvement politique ne se construit pas en combattant son plus proche voisin, son alliée, son ami. Les manques, les approximations et les erreurs doivent être confrontés, discutés et dépassés. Toutefois, l’envie de faire table rase, de faire rupture est une facilité qui prend trop souvent le pas sur l’intelligence collective, nous vouant à reproduire les erreurs de nos aînés. Silvia Federici est une camarade précieuse dont la pensée nous aide à percevoir et construire un horizon victorieux.

Silvia Federici est de celles dont la boussole indique toujours le nord : la critique et la lutte contre le capitalisme. Son étude Caliban et la Sorcière, femmes, corps et accumulation primitive traitait avec précision et détails des origines des diverses formes d’exploitation auxquelles ont été soumises les femmes tout au long du développement des sociétés capitalistes. Dans la tradition des opprimés, l’histoire est un enjeu politique majeur pour qui réfléchit aux leçons à tirer du passé. C’est la main de Walter Benjamin que l’on sent sur son épaule : « Exprimer le passé en termes historiques ne signifie pas le reconnaître “tel qu’il a réellement été”. Cela revient à s’emparer d’un souvenir tel qu’il apparaît en un éclair à l’instant d’un danger. La préoccupation du matérialisme historique est de retenir une image du passé telle qu’elle s’installe à l’improviste, pour le sujet historique, à l’instant du danger. (…) Seul l’historiographe a le don d’allumer dans le passé l’étincelle d’espoir qui en est pénétrée : même les morts ne seront pas en sécurité face à l’ennemi si celui-ci l’emporte [1] ». C’est en s’inscrivant dans cette conscience historique, celle des opprimés, des vaincus qu’elle puise sa force politique : « refuser toute forme d’identification sociale et politique est un pas vers la défaite. C’est un déni de solidarité envers les vivants et les morts, et revient à fantasmer des êtres sans histoire ». Toutefois, la flèche Par-delà les frontières du corps n’est pas une analyse historique ni un chemin de traverse arpentant le passé en quête du présent. Par delà les frontières du corps est une flèche acérée qui vise le soleil. Elle ne démontre pas, mais va à l’essentiel. Tout droit.

Chacun des neuf chapitres qui la composent pointe une question politique ayant les femmes comme sujet et comme enjeu. Ces courts projectiles se présentent comme autant de matrices construisant une perception de chaque problématique, son horizon, ses lignes de front, ses exemples et parfois ses contradictions et ses faiblesses. Et chaque fois, il sera question du corps. Du corps des femmes labouré par le capitalisme, du corps contraint, du corps forcé, du corps formaté, du corps augmenté. Mais aussi du corps des colonisées, du corps trans, de la maternité. C’est par le corps, par la corporéité, par l’expérience sensible que Silvia Federici renoue avec la catégorie politique femme : « Si on évacue cette catégorie politico-analytique, alors le féminisme disparaît aussi, car l’émergence de mouvements de lutte est inconcevable sans une expérience d’injustice et de violence partagée ». N’ayant pas cessé de donner naguère, avec Caliban, mille et un exemples, et autant de fils nous liant à l’histoire des femmes, la voici en armure, menant une guerre au capitalisme, affirmative et décidée. Or sa catégorie de femme n’est pas le fruit d’une essence mais celui d’une tradition de luttes, d’une appartenance sensible. « Ce corps par delà les frontières de peaux est l’image d’un corps qui réunit ce que le capitalisme a séparé » voilà son ambition pour comprendre les différences et dépasser les dissensions.

PARTIE 1

Silvia Federici n’utilise pas la terminologie foucaldienne, pourtant cette première partie aurait pu s’intituler : Enjeux de la biopolitique [2]. En effet, le corps est aujourd’hui le but et l’enjeu de toute politique, de tout discours. Or, l’histoire du capitalisme est celle de la « redéfinition de ses qualités et capacités ». « L’un des principaux projets du capitalisme a été la transformation de nos corps en machine de travail ». Comprendre ce que le capitalisme a fait au corps des femmes est un préalable à la compréhension de « la guerre que le capitalisme a mené contre les êtres humains et la nature et ouvre à l’élaboration de stratégies capables de mettre fin à une telle destruction ». Aussi, le texte s’attache à resituer le corps dans son contexte social et politique, traversé de forces, parfois contradictoires, et qui pourtant nous constituent. D’où son assertion rejetant l’idée que les identités sociales sont complètement définies par le système capitaliste.

Le féminisme des années 70 est à cet égard une source intarissable d’inspiration et de puissance.« Le féminisme a été une révolte contre le fait d’être réduites au “corps”, à une prédisposition censément innée à l’auto-sacrifice et aux soins des autres. Une large part des politiques féministes s’est concentrée sur la lutte pour l’avortement, mais la révolte contre les normes féminines a été plus profonde ». C’est par ce biais que Silvia Federici replace l’identité politique femme au cœur de la lutte contre le capitalisme. D’une part, « les politiques du corps témoignaient d’une prise de conscience que nos expériences les plus intimes, censément privées, sont en réalité hautement politique, intéressant l’État-nation, comme en témoigne historiquement le développement de toute une législation pour les réguler. Nous ne pouvions donc revendiquer nos corps sans changer de conditions matérielles d’existence ». D’autre part, « c’est le mouvement féministe qui a dénaturalisé la féminité » en luttant contre les normes et les représentations de la femme à cette époque. « Reprendre le contrôle de notre sexualité, de nos corps, de notre reproduction devient une question politique centrale ». Et cette question passe inéluctablement par le changement de nos conditions matérielles d’existences. D’où l’importance pour notre autrice de concevoir la maternité comme « une décision politique porteuse de valeurs ».
Silvia Federici fait des femmes les héritières du mouvement ouvrier dans la lutte contre le capitalisme. Sa vision générale, bien que parfois approximative, possède ce grand avantage de rendre lisibles les forces en présence, la généalogie des idées et l’histoire des luttes dans un monde saturé d’informations contradictoires. En ce sens, ce livre est un petit manuel politique contribuant pleinement à la guerre en cours contre le capitalisme. Mais il contribue pleinement aussi au mouvement féministe non sans susciter beaucoup d’interrogations que nous aborderons dans la deuxième partie.

PARTIE 2

C’est la partie la plus complexe et la plus dangereuse. Dangereuse, car elle engage une critique radicale de la médecine, des technologies et du transhumanisme qui représentent aujourd’hui trois nœuds capturant les questions politiques relatives au corps. Au risque de l’excès ou de la caricature (qu’elle n’arrive pas toujours à éviter) Silvia Federici esquisse, à partir d’exemples comme les mouvements de femmes des années 70, du Black Power ou d’Act Up, les linéaments d’une politique féministe, d’un front contre le capitalisme et ses illusions mystificatrices.

Au travers d’une critique du concept de performance [3], Silvia Federici cherche à construire la possibilité d’une identité politique qui s’ancrerait dans la tradition des luttes féministes tout en laissant suffisamment de place pour accueillir des changements et les orientations d’une nouvelle époque. Ses reproches sur les concepts de performance et de genre ne s’adressent pas à Judith Butler en particulier, mais plutôt aux féministes, aux militantes et militants queer qui, en performant leur genre, en construisant une politique des identités qui considère les vieilles catégories d’homme et de femme comme obsolètes, voire pires comme des procédés d’exclusions et d’amoindrissement, abandonnent de fait la longue histoire fragmentaire des luttes et particulièrement la lutte des femmes. Derrière ces arguments, il y a la peur de voir se développer des luttes abstraites dans lesquelles le respect et l’épanouissement viendraient remplacer les rapports de forces. Aussi, c’est sciemment que Silvia Federici revient toujours vers les conditions sociales d’existences, vers les épreuves pratiques sans lesquelles il n’existe pas la possibilité de lutter : « Le concept néglige le fait que le genre est le résultat d’un long processus de disciplinarisation et que les “normes” sont le produit de l’organisation et de la division du travail, de la configuration diverse des marchés du travail, de la structuration de la famille, de la sexualité, et du travail domestique. Dans toutes ces situations, ce qui est souvent appelé “performance” gagnerait à être défini comme coercition et exploitation ».
Son dernier argument critique à propos des identités performées (mais aussi par effet de miroir, argument en faveur de l’identité politique femme ) concerne la capacité d’empowerment. « Concevoir les identités sociales de manière unilatérale, c’est ignorer notre capacité à les transformer, à retourner nos stigmates en fierté, c’est reconnaître l’inévitabilité de la défaite, enfin, c’est ne voir le pouvoir que du côté du maître ». Toutefois la tâche s’annonce bien difficile. Le capitalisme irrigue les esprits d’injonctions à la beauté, à la plasticité, au style. C’est avec la plus grande des méfiances que Silvia Federici aborde la possibilité de transformation du corps. « Et pour cause, des programmes de stérilisations forcées de masse et eugénistes à l’invention de la lobotomie, de l’électrochoc ou des drogues psychoactives, l’histoire de la médecine a toujours manifesté la même volonté de contrôle social et de reprogrammation des corps réfractaires afin de rendre les femmes plus dociles et plus productives ». « Concrètement, le « soin du corps » requiert de l’argent, du temps, un accès à des services et des ressources que la majorité ne peut se payer, en particulier quand on parle de chirurgie ». C’est depuis cette méfiance envers la médecine que Silvia Federici aborde la question de la GPA (gestation pour autrui). « L’idée que le capitalisme a transformé le corps des femmes en machine à produire la force de travail est un thème central de la littérature féministe depuis le début des années 70. Cependant, l’arrivée de la GPA est un tournant dans ce processus, car elle fait de la gestation une opération purement mécanique, un travail aliéné pour une femme censée être complètement détachée émotionnellement. C’est aussi un tournant en termes de marchandisation de la vie humaine, avec l’organisation d’un marché d’enfants légal, qui fait de l’enfant un bien qui peut être cédé, vendu, acheté ». Elle rappelle en outre l’aspect raciste et classiste d’une pratique presque exclusivement destiné aux couples blancs, aisés et occidentaux. C’est là que se situe son rejet du droit de parentalité, perçu comme pure hypocrisie.

La connaissance de Silvia Federici du mouvement trans et intersexe disqualifie les anathèmes prononcés à son encontre. Toutefois, le lieu de sa ligne de front n’est pas le nôtre. Sa vision du progrès en tant que cauchemar technologique est trop ambiguë. En effet, sa critique l’oppose à une adversité où se débattent pêle-mêle le désir narcissique de beauté plastique, les manipulations ADN, les corps augmentés (transhumanisme). La place de la chirurgie de réassignation sexuelle reste ambiguë. Silvia Federici échoue à proposer une ligne politique suffisamment claire pour que ses critiques soient constructives. De même, son argumentaire concernant la marchandisation de l’humain semble totalement dépassé, les législations autour de la GPA venant essayer d’encadrer ce qui existe déjà de fait.
Ces ratés sont à mettre en balance avec la partie suivante. Revenant sur la manière dont le capitalisme à façonné les êtres vivants pour optimiser leur force de travail, Silvia Federici « voit dans les identités de genres androgynes, et la montée du mouvement intersexe et trans une critique de la division sexuelle du travail », mais aussi du travail, comme élément de formation des identités.

PARTIE 3

Adapter l’homme au travail est un processus sans fin conduit par le capitalisme. « Depuis sa phase primitive jusqu’à nos jours, le capitalisme a procédé à une mise au travail général, travail payé ou non-payé, qui nécessitait de restructurer tout le processus de reproduction sociale, reconfigurant non seulement notre relation au travail, mais aussi notre conception de l’identité, de l’espace et du temps, et jusqu’à notre vie sociale et sexuelle ». Silvia Federici disqualifie la psychologie qu’elle considère comme une science capitaliste. Une science dont l’objectif est de naturaliser les besoins du capitalisme. « La psychologie ne peut pas continuer à attribuer les pathologies provoquées par le capitalisme à une quelconque nature humaine ni à produire des camisoles de force, en ignorant les violations de notre intégrité physique que nous inflige le système économique et politique dans lequel nous vivons ». Cette partie est une boite à outils permettant de ne pas succomber aux pièges tendus par le capitalisme. En naturalisant ses principes, son idéologie, ses besoins, celui-ci parvient à se dissimuler sous les mille et un masques de la nature, de la science, de la logique. Avec beaucoup d’humour, Silvia Federici démontre que l’idéologie progressiste-néolibérale et l’idéologie politico-religieuse des mormons ne sont que les deux faces d’une même pièce : « le débat entre créationnisme et évolutionnisme n’étant qu’une querelle interne au capitalisme ». Ces deux versants ont en commun l’abnégation et la soumission absolue des corps au travail. Mais comme nous allons le voir dans une quatrième partie, l’esprit de révolte ne peut venir que du corps lui-même.

PARTIE 4

Si l’histoire du capitalisme est aussi celle de la guerre contre le corps, cette partie choisit d’appuyer son propos sur « les capacités du corps, le corps comme terrain de résistance, c’est-à-dire le corps et ses pouvoirs — pouvoir d’agir, de se transformer, le corps comme limite à l’exploitation ». Car le corps, par ses besoins, ses désirs, sa constitution ne peut pas tout. Le besoin de se nourrir, d’aimer, de dormir est un rempart, une limite à l’exploitation capitaliste. « Une des principales tâches sociales du capitalisme jusqu’à nos jours a été de transformer notre énergie et notre pouvoir corporel en puissance de travail ». « En réalité, notre corps nous effraie, et nous ne l’écoutons pas. Nous n’écoutons pas ce qu’il veut, nous participons à ses attaques avec tous les moyens que nous offre la médecine : radios, coloscopies, mammographies, qui sont des armes dans une longue bataille contre le corps ». Silvia Federici condamne tout discours qui viendrait expliquer à chacun, depuis un point de vue purement extérieur, ce qu’il serait normal de ressentir. Elle ne condamne pas les outils, mais le discours de vérité imposé par l’Ordre capitaliste. « Aussi, elle s’attache, en contre-pied, à faire l’éloge de la danse, qui est pour elle, une pratique permettant une exploration et une invention des possibles du corps, ses facultés, son langage, son articulation avec les aspirations de notre être ».

La conclusion de l’ouvrage à l’usage des groupes militants place bien cet opuscule dans la catégorie des manuels pratiques. Si ses approximations sont parfois gênantes, il est un contrepoison certain aux chants des sirènes néo-libérales dissimulés parfois sous des apparences progressistes et sociales. Il rappelle également ce qui devrait être un principe politique pour les différentes positions queers et féministes, à savoir qu’il n’existe pas de lutte d’émancipation, de libération, d’identités sauvages et rebelles qui ne soient anticapitaliste. Nous regrettons toutefois que la conclusion ne prépare pas plus le terrain à une rencontre avec les mouvements politiques issus des théories de Judith Butler, du concept de performance et de la théorie queer, du mouvement trans et intersexe. Cette lacune est un enjeu politique fondamental, notre enjeu, qu’il s’agit de construire et de faire grandir.

DIVA

[1Walter Benjamin, Sur le concept d’Histoire, thèse VI.
« Exprimer le passé en termes historiques ne signifie pas le reconnaître « tel qu’il a réellement été ». Cela revient à s’emparer d’un souvenir tel qu’il apparaît en un éclair à l’instant d’un danger. La préoccupation du matérialisme historique est de retenir une image du passé telle qu’elle s’installe à l’improviste, pour le sujet historique, à l’instant du danger. Le danger menace aussi bien la persistance de sa tradition que ceux qui en prennent réception. Dans un cas comme dans l’autre, le risque est de passer pour l’instrument de la classe dominante. À chaque époque, il faut tenter de refaire la conquête de la tradition, contre le conformisme qui est en train de la neutraliser. Le Messie ne vient pas seulement en tant que rédempteur ; il vient en tant qu’il est celui qui surmonte l’Antéchrist. Seul l’historiographe a le don d’allumer dans le passé l’étincelle d’espoir qui en est pénétrée : même les morts ne seront pas en sécurité face à l’ennemi si celui-ci l’emporte. Or cet ennemi n’a pas arrêté de l’emporter ». L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs. Non seulement ils dévitalisent le rayonnement des évènements passés, mais il contribue activement à mettre en place une amnésie générale concernant les affinités avec des courants historiques, des ancêtres, des situations, des luttes. 

[2Le terme « biopolitique » désigne la manière dont le pouvoir tend à se transformer, entre la fin du XVIIIème siècle et le début du XIXème siècle, afin de gouverner non seulement les individus à travers un certain nombre de procédés disciplinaires, mais l’ensemble des vivants constitués en population la biopolitique - à travers des bio-pouvoirs locaux - s’occupera donc de la gestion de la santé, de l’hygiène, de l’alimentation, de la sexualité, de la natalité etc., dans la mesure où ils sont devenus des enjeux politiques.
La notion de biopolitique implique une analyse historique du cadre de rationalité politique dans lequel elle apparaît, c’est-à-dire la naissance du libéralisme. Par libéralisme, il faut entendre un exercice du gouvernement qui non seulement tend à maximiser ses effets tout en réduisant ses coûts, sur le modèle de la production industrielle, mais affirme qu’on risque toujours de trop gouverner. Alors que la « raison d’État » avait cherché à développer son pouvoir à travers la
croissance de l’État, « la réflexion libérale ne part pas de l’existence de l’État, trouvant dans le gouvernement le moyen d’atteindre cette fin qu’il serait pour lui-même ; mais de la société qui se trouve être dans un rapport complexe d’extériorité et d’intériorité vis-à-vis de l’État ». Ce nouveau type de gouvernementalité, qui n’est réductible ni à une analyse juridique, ni à une lecture économique (bien que l’une et l’autre y soient liées), se présente par conséquent comme une technologie du pouvoir qui se donne un nouvel objet la « population ». La population est un ensemble d’êtres vivants et coexistants qui présentent des traits biologiques et pathologiques particuliers, et dont la vie-même est susceptible d’être contrôlée afin d’assurer une meilleure gestion de la force de travail « La découverte de la population est, en même temps que la découverte de l’individu et du corps dressable, l’autre grand noyau technologique autour duquel les procédés politiques de l’Occident se sont transformés. On a inventé à ce moment-là ce que j’appellerai, par opposition à l’anatomo-politique que j’ai mentionnée à l’instant, la bio-politique 2 ». Alors que la discipline se donnait comme anatomo-politique des corps et s’appliquait essentiellement aux individus, la biopolitique représente donc cette grande « médecine sociale » qui s’applique à la population afin d’en gouverner la vie la vie fait désormais partie du champ du pouvoir.

Définition de la biopolitique de judith Revel extrait du Vocabulaire de Foucault paru aux éditions Ellipses.

[3Dans son ouvrage le plus influent, Trouble dans le genre, Butler défend l’idée que la « performance » doit remplacer « l’essence » pour une appréhension plus juste de la nature des identités. Ses apports à la théorie du genre s’appuient ainsi sur la mise au jour du fait que les concepts sont tributaires du comportement, et que le comportement peut en général s’entendre comme la performance de normes sociales bien établies. Les rôles que nos corps jouent sont entièrement informés et réglés par des régimes discursifs disciplinaires qui à leur tour, utilisent ces performances pour justifier le modèle établi, tout en prétendant nier la composante performative.
En effet, la notion de performance est primordiale dans l’œuvre de Butler, et lui permet de rendre compte du développement des normes sociales ainsi que des efforts que nous mettons habituellement en œuvre pour nous conformer à de telles constructions. La performance peut également prendre une valeur plus positive lorsqu’il s’agit de réfléchir sur la manière dont les catégories traditionnelles peuvent se réconcilier avec leur instabilité intrinsèque. En philosophe déterminée à démontrer que l’ambivalence et la précarité sont plus propres à témoigner de la nature véritable des concepts et des identités, il va sans dire que Judith Butler s’inscrit en porte-à-faux contre les théories traditionnelles qui tendent à définir clairement des rôles en ce qui concerne la manière dont le genre devrait être joué, mais également dont la pensée devrait être structurée.
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