TROU NOIR

Voyage dans la dissidence sexuelle

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À Rennes, les féministes soufflent sur les braises des luttes et rallument la joie

Reçu dans la foulée du 21 novembre, ce texte, vraisemblablement écrit à chaud, nous rappelle l’importance d’occuper les rues, l’importance du premier des gestes politiques, se retrouver, se rassembler pour que nos voix portent à l’heure où l’on voudrait nous faire rester à la maison. Il rappelle aussi les enjeux politiques du féminisme plus que jamais indispensable en ces temps d’augmentation des violences faites aux femmes.

Ce texte trouve son point de départ dans l’énergie trouvée dans les cortèges féministes et antisexistes du 8 mars 2020 et du 21 novembre 2020.

J’habite à Rennes depuis une dizaine d’années. Mon parcours de vie n’est pas vraiment conventionnel : je ne travaille pas, si ce n’est quelques petits boulots. Je pense pouvoir dire que c’est l’omniprésence des luttes dans cette ville qui a décidé de mon choix d’être citadine. Il est vrai que j’ai parfois des doutes sur la possibilité de continuer à vivre de débrouilles dans une métropole. Et la nouvelle crise sanitaire vient encore renforcer ces doutes. Alors que nous vivons un confinement relatif, l’idée qui me taraude m’appelle à ne pas oublier la force des liens de solidarité et l’importance des rassemblements humains dans la rue !

Depuis quelques années, aller en manifestation m’a souvent laissé des sensations pour le moins paradoxales. Récemment, un ami me rappelait que le centre-ville de Rennes était fermé à tout cortège depuis environ cinq ans. Malgré de nombreuses restrictions, il y a une vibratoire urbaine spécifique ici qui impose perturbations et blocages de façon quasi systématique quelques mois par an ! Ça a donné de grands moments comme l’occupation par 400 personnes de la Maison du Peuple en plein centre-ville en 2016, ou les irruptions fulgurantes des Gilets Jaunes, chaque samedi, avec musique et armures de carton à l’assaut des grilles antiémeute (tout de même payé par de lourds tributs).

L’encadrement des défilés et les séries d’arrestations ont contraint les cortèges à un parcours réduit comme pendant le dernier mouvement des retraites. De quoi en déprimer plus d’un…
Et paradoxalement, à être présente dans ces moments, on y sent encore la colère bouillir et les différentes strates de vies assemblées prêtent comme rarement à la rencontre.

Il n’est pas innocent pour moi que s’exprime, dans des rassemblements contre les violences policières et des rassemblements féministes, quelque chose d’irréductible à l’apathie ambiante et dans cette année d’état d’urgence sanitaire.

Le 21 novembre dernier, je suis sortie pour la journée nationale contre les violences faites aux femmes. Pas de défilé cette fois, mais de nombreuses prises de paroles, slogans et chorégraphies qui ont ambiancé la place.
Malgré les demandes gênées des organisatrices à maintenir les gestes barrières (elles ne devaient pas y croire non plus !) le rassemblement s’est achevé par deux moments festifs, beaux dans leur expression parallèle : une grande chorale a cappella de chants féministes et révolutionnaires dans un cercle de corps rapprochés les uns des autres. À côté, un dancefloor agité et sensuel dans la brume de fumigènes multicolores où s’agitent des corps imprévus aux sons de tubes dance et pop. (Miroir de plusieurs générations, une quinquagénaire se lancera avant moi dans la danse : « on ne doit plus faire la fête maintenant ? C’est ce que l’on va voir ! »).

Réminiscence d’une autre fête, celle de la musique cette fois. Une fête sauvage, un élan qui nous portait le 21 juin 2020 à Nantes. Ce fut un moment volé et tellement médicinal après l’isolement du premier confinement. Un moment à la mémoire de Steve Maïa Caniço mort un an plus tôt, tué par la police (et à l’honneur de nos luttes).

Cette après-midi du 21 novembre me fait l’effet d’une ronde qui tourne sur elle-même, mais à la vitesse d’un sprint, entrepris par quelques-unes dans la danse. Ronde folle qui pourrait vite se métamorphoser en serpent agressif. En serpent qui se défend. À l’image des prises de paroles des femmes exilées, des collectifs transsexuels, des femmes exposées aux violences sexuelles et physiques qui refusent de se taire et luttent pour d’autres existences. Nous ne sommes pas sorties de la place… qu’à cela ne tienne. Le 8 mars aussi nous étions quelques milliers. Il y avait des tags, de l’affichage sauvage et des cagoules à paillettes.

À côté de ces grands moments, avec plusieurs amies depuis deux ans, nous avons fait le choix de nous voir régulièrement sans mec, pour avancer ensemble sur des plans concrets comme travailler nos qualités d’énonciations ou nous décentrer de certaines manières de vivre nos relations de copines et les mettre en jeu différemment. Batailler contre notre misogynie intérieure. Je crois que j’ai pu expérimenter cette pratique, moi qui ai longtemps défendu la mixité, parce que les mouvements féministes m’ont préexisté et n’ont jamais cessé d’exister.

Je me sens chanceuse d’être partie prenante des luttes féministes parce que l’histoire de ces luttes a pu m’être transmise dans sa complexité. C’est une histoire qui n’est pas uniforme. Et tant mieux. Elle allume toujours une petite flamme dans l’œil de celles qui la racontent.
Il y a beaucoup de tensions et pourtant, depuis environ 5 ans, quelque chose s’affine entre le féminisme queer (qui rejette le binarisme homme/femme comme catégorisation enfermant) et le féminisme de la différence (qui prends pour appui des expériences de femmes entre femmes). Grâce au débat et au conflit entre lesbienne et hétérosexuelles, il est maintenant assez entendu que s’attaquer au phallocentrisme passe par une critique de l’hétérosexualité.
Les luttes LGBT et les luttes des femmes noires ont construit l’intersection, comme attention portée aux différents types de domination et leur cumul possible.

L’influence du féminisme pro sexe, l’actualité du mouvement Me Too nous appelle à déplacer notre regard. Ces rassemblements appellent à un réexamen urgent de la masculinité, cette norme dominante et dangereuse. Ils nous appellent aussi à questionner l’opacité de nos sexualités, leurs polymorphies, contre les effets de domination qui s’y exercent. Et pour mieux nous rencontrer.

J’ai voulu raconter ici ces moments de défilés pour célébrer le Cauchemar que nous représentons pour ces villes lumineuses qui rêvent de flux de consommations et de richesse.
Parce que si le rapport de force de celles et ceux qui luttent parait défavorable, je crois à toutes ces apparitions subversives.
Parce que je trouve les luttes féministes vibrantes, je souhaite que ces moments se multiplient et se déploient.

Groucha Brichoff

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