TROU NOIR

Voyage dans la dissidence sexuelle

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L’abstraction appartient-elle aux blanc·hes ? Penser les politiques raciales dans la danse contemporaine

Dans « Récession et non-sens », le philosophe Fred Moten suggère de lier ensemble les idées de propriété, de propriétaire, et de blanchité. Si les propriétaires, au cours de la modernité/colonialité, sont systématiquement blancs, ils disposent aussi du privilège d’être en rapport avec les « propriétés » des choses, c’est-à-dire d’être en rapport aux choses « abstraites », sans qu’elles aient besoin d’entrer en rapport concret et historique à leur environnement.
Que pourrait signifier, inversement, le fait d’habiter l’impropre, l’impropriété, la dépossession, d’être assignées, marquées, attachées à un contexte ? En récoltant des morceaux de sa vie de travailleur culturel navigant entre les États-Unis et l’Europe, le chorégraphe queer latinx Miguel Gutierrez donne une image précise de différentes scènes où l’« abîme de la race » se creuse, où l’oubli, l’imprécision, l’ignorance rendent l’expérience racisée invisible ; mais il esquisse aussi comment, face à cet effacement, il est possible de s’engager dans et pour une abstraction située et situante, une manière de se rendre « abstrait. Mais inexorablement personnel. »
Un témoignage-manifeste paru en 2018, traduit sur Trou Noir pour la première fois en français.

Crédit image : This Bridge Called My Ass premiered in January 2019 at the Chocolate Factory Theater in Long Island City, New York, as part of American Realness. Photo Ian Douglas.


Penser les politiques raciales dans la danse contemporaine

Je suis en première année à la fac. Au café du syndicat étudiant, je suis assis en face du jeune et sexy professeur blanc pour qui j’ai un crush. Il donne le cours de Théorie littéraire post-structuraliste. Littérature gay et lesbienne auquel je me suis inscrit, et où je ne comprends rien à ce que je lis. J’ai décidé de prendre ce cours parce que les mots « gay et lesbienne » étaient dans le titre. Je lui parle de la manière dont mes parents n’ont pas bien répondu à mon coming out, et comment mon père m’a dit qu’il n’allait pas payer pour « ce genre d’éducation ». Le jeune et sexy professeur blanc dit « Pourquoi est-ce que tu ne divorces pas de ta famille ? » sans trahir la moindre émotion sur son visage. Je le regarde, cette anomalie humaine, qui donnait des concerts de piano quand il était enfant, qui finit sa licence à dix-neuf ans, son master de droit à vingt-deux, qui a été avocat dans le droit des entreprises pendant quatre ans avant de reprendre ses études et de faire un doctorat en littérature queer. Je sens s’ouvrir entre nous l’abîme dont je ne peux bien sûr pas encore prédire qu’il sera la rupture topographique au bord de laquelle je passerai l’essentiel de ma vie d’adulte. « Non », je lui réponds. « Ce n’est pas une option. Ce n’est pas une option pour un enfant dans une famille colombienne. Tu ne comprends pas. »

En 1992, je suis à l’American Dance Festival où le chorégraphe noir Donald McKayle reçoit un prix. Maya Angelou est chargée de le lui remettre. Elle parle d’une interview qu’il a donnée au New York Times en 1973, dans laquelle il dit qu’il n’a jamais voulu faire juste des formes. Je ne comprends pas vraiment ce que cela signifie à l’époque, mais j’en ai l’impression. Plus tard, j’en comprendrai davantage sur la tension entre la danse moderne blanche et la danse moderne noire. Bien des années après, je cherche sur internet et trouve la citation complète :

« Je commence toujours un projet avec la certitude d’être en relation avec des gens – avec des individus, des êtres humains. Et mon approche est toujours viscérale. Tout doit venir du dedans. Et tout doit avoir un sens. Quand je fais de la chorégraphie, je n’utilise jamais les gens pour simplement créer un design. Je veux dire, l’abstraction est toujours présente en tant que forme artistique, et je l’utilise, mais je n’ai jamais utilisé des êtres humains seulement en tant qu’éléments de design. Mon travail a toujours été concerné par l’humanité, d’une manière ou d’une autre. »

Je fais partie d’un groupe de lecture à Movement Research où Thomas DeFrantz facilite une discussion autour du thème Survivance de l’esclavage : la performance expérimentale et les spectres de la race. Pour ce soir, on nous a demandé de lire l’introduction de In The Wake : On Blackness and Being de Christina Sharpe, un chapitre tiré de The Case of Blackness de Fred Moten et un article de Tommie [DeFrantz] intitulé « I Am Black (you have to be willing to not know) ». Nous faisons un tour de cercle, principalement composé de femmes racisées, et parlons de ce qui nous amène ici. Les personnes parlent d’un éventail de questions qui ont toutes explicitement à voir avec la race et l’identité – le droit de propriété sur la performance noire, l’équité raciale dans les arts, comment comprendre le concept de danse noire en dehors des États-Unis, et comment les questions soulevées par la théorie critique noire s’appliquent à des artistes qui vivent en France ou au Mexique.

Une des personnes présentes est une artiste blanche plus âgée, qui a été une de mes mentors depuis les débuts de ma carrière chorégraphique. C’est une iconoclaste légendaire, née à Brooklyn, elle a la critique gouailleuse et sans frein, et elle est connue pour avoir fait pleurer nombre de ses étudiant·es qui prenaient des décisions médiocres dans ses classes de composition. Quand c’est à son tour de parler, elle s’anime et déclare : « Pour moi, tout commence dans le mouvement ! » et elle se met à parler de la puissance de la cinétique. C’est un moment inconfortable, et cela saute aux yeux. Je ressens sa déclaration comme une diversion, ou comme une tentative de contourner le sujet. Plus tard, après la classe, elle m’attire à elle et me dit : « Je ne comprends pas comment on danse ces idées. Comment les gens vont-ils bien pouvoir faire ça ? » Et je ne suis pas certain de ce à quoi elle se réfère. L’afropessimisme ? La race ? Les idées en général ? J’essaie timidement de lui dire : « Hé bien, je pense que certaines personnes le font déjà… le font depuis un moment... » Lui expliquer cela me semble embarrassant. Évident. Je me sens soudain projeté au bord de l’abîme – comment peut-elle ne pas comprendre que pour certaines personnes, ce n’est pas un « choix » de faire des danses qui parlent de cela ?

J’entends une histoire, une rumeur plutôt, concernant Trisha Brown et comment elle aurait apparemment dit à quelqu’un qu’elle ne savait jamais vraiment quoi faire de Shelley Senter ou de David Thomson dans ses œuvres, parce que Shelley était petite, et que David était noir.

Je suis en Suisse, en tournée pour un chorégraphe français. Un metteur en scène états-unien présente un de ses spectacles dans le même festival. J’ai une amie, une danseuse blanche, qui apparaît dans ce spectacle, et nous nous voyons à l’occasion d’un spectacle musical un soir. Bien que je ne la voie que rarement, nous avons toujours des conversations très profondes l’une avec l’autre quand nous nous retrouvons. Je l’apprécie. Je l’adore. Nous parlons des différences qui séparent le spectacle vivant aux États-Unis et en Europe. Elle parle de la manière dont en Europe, c’est plus facile parce qu’il y a de l’argent et un marché. Des questions et des frustrations que j’ai évitées pendant des années. Je suis presque jaloux de la manière dont elle est capable de nommer cela avec clarté, sans hésitation. Je suis d’accord avec elle sur presque tout, mais quelque chose me retient. Nous en venons à parler de nos frustrations à l’égard de la scène chorégraphique new-yorkaise. Je parle de ma frustration actuelle à l’égard du manque de personnes racisées sur les scènes à Manhattan. « Hé bien, c’est simplement les personnes qui appartiennent à la communauté », répond-elle, sans autre forme de procès, comme si les choix de casting des chorégraphes blanc·hes n’avaient rien avoir avec leur subjectivité ou avec les politiques de la représentation. Comme si, d’une certaine manière, leurs corps pouvaient être des signifiants d’une expérience universelle qui n’a pas besoin d’examiner la blanchité comme un choix actif, ou comme un mécanisme par défaut, ou comme le résultat d’une critique flemmarde ou inexistante.

C’est l’été, et je donne un atelier pour vingt danseureuses au Ballet de Lorraine, une compagnie située à Nancy, une petite ville à l’Est de la France. Je propose au groupe un exercice que j’ai emprunté à mes ami·es du collectif de performance My Barbarian, qu’iels-même ont emprunté au metteur en scène brésilien Augusto Boal. Dans cet exercice, il s’agit d’identifier les différentes catégories dont les participant·es disposent pour se mesurer. Ainsi, on commence avec la partie de l’exercice appelée « Spectre » et je dis : « Okay, faisons une ligne qui va de la plus petite personne à la plus grande. » Je continue avec d’autres mesures objectives, puis passe à des mesures plus sociales ou conceptuelles comme : « des plus rebelles aux plus conformistes », « des vierges aux putes », etc. Ceci mène finalement à la partie de l’exercice intitulée « Binarité », où il faut choisir un côté en fonction de la mesure proposée. À nouveau, les types de mesures se mélangent. J’apprécie les mesures du type : « Je vote/Je ne vote pas », « queer/hétéro », « J’ai payé pour mon éducation/Mon éducation était gratuite ». Sans surprise, la transition du Spectre à la Binarité tourmente les personnes qui ne souhaitent pas choisir leur camp.

Je dis : « Personnes racisées/Personnes blanches ». Cet énoncé a une certaine puissance provocatrice en France en raison d’un certain nombre de facteurs. D’abord, la compagnie est à majorité blanche, bien que cela ne semble pas troubler ni la majorité des artistes, ni l’administration. Les conversations portant sur l’équité raciale sont presque inexistantes dans les contextes sociaux et artistiques français où je me retrouve. De ce que je comprends, les statistiques françaises n’emploient pas la race comme catégorie d’enquête. Le pays reste attaché à son unité mythologique en tant que République « sans race », ce qui, bien entendu, sert de fondement argumentatif aux sentiments anti-immigration les plus virulents.

Un des danseurs blancs rejoint le côté des personnes racisées. Sans présupposer ses origines raciales ou ethniques, je lui demande : « Pourquoi es-tu de ce côté ? » « Parce que je ne suis pas différent de lui », répond-il en montrant son meilleur ami dans la compagnie, qui est noir. J’apprécie, un temps, son sentiment de solidarité. C’est presque attendrissant. Mais je suis bien trop imprégné des politiques liées aux injustices raciales états-uniennes pour laisser la question en suspens. « D’accord. Mais si vous étiez au volant d’une voiture aux États-Unis, et que vous étiez arrêtés par la police, je suis à peu près certain qu’il serait traité d’une manière différente de toi. » En disant ces phrases, j’en suis presque à trembler. Suis-je rempli de la colère provoquée par les injustices passées, ou suis-je en colère en raison de ce qui se passe maintenant, et de la décision de ce participant ? Je n’en suis pas certain. La violence d’État est-elle la seule mesure sur laquelle je peux me fonder pour justifier mon argument ?

Je vais voir le travail de Netta Yerushalmy à l’occasion d’un festival d’été ici à New York. Elle présente une série de spectacles qui fonctionnent comme des conversations, au temps présent, avec des danses iconiques du XXe siècle. La forme de base du travail consiste pour elle (et d’autres danseureuses) en la reconstruction de morceaux de pièces historiques à partir de vidéos, suivie de la production d’une nouvelle chorégraphie pendant qu’un·e théoricien·ne lit un texte écrit à propos de la pièce originale. Le jour où je vais voir son travail, elle présente deux pièces de la série – une en relation avec Night Journey de Martha Graham (1947) et une autre avec Revelations de Alvin Ailey (1960). Dans la discussion qui suit la performance, un chorégraphe blanc local et assez connu prend la parole en disant : « Il me semble que vous feriez mieux de considérer la pièce comme un texte. Il faudrait ne pas l’interpréter du tout. » Ce qu’il veut dire n’est pas très clair, mais ce que je connais de lui et de son approche idéologique me suggère qu’il entend par là que le rapport à la chorégraphie originale devrait être de l’ordre de purs mouvements et de pures formes, prêtes à êtres coupées, collées et réarrangées. Mais est-ce que le projet de Netta n’est pas justement à l’opposé ? Celui de reconnaître la réalité indéniable de la subjectivité, du genre, de la race, de la sexualité, avec lesquelles nous composons aujourd’hui et qui était également présent alors, dans leur invisibilité même, au sein des œuvres qu’elle revisite ? Ne veut-elle pas justement dire qu’il n’y a rien de tel qu’un spectacle qui ne serait qu’un « texte ». Mais ma confusion se renforce. Il parle de « la pièce ». Une pièce. La pièce en relation à l’œuvre de Graham. Il ne parle pas de la pièce que Netta a faite en relation à Revelations de Ailey, qui, de mon point de vue, est l’exploration la plus épineuse et la plus provocatrice. Je suis en fait dans une sorte d’état de choc – est-ce qu’il va vraiment ignorer la pièce qui a été faite en relation à Ailey ? Comme dans de nombreuses expériences d’effacement en temps réel, je suis déstabilisé, jeté dans l’incompatibilité de deux perspectives qui ne peuvent pas se rencontrer. Je navigue dans une vie entière de situations où cet effacement est pratiqué – une vie où je vais dans des cours de danse, à des spectacles, où je regarde autour de moi dans le studio ou dans la salle, et où je vois que la majorité est composée de personnes blanches, tout en pensant sans cesse : « qui n’est pas là ? qui n’est pas là ? »

Je suis assis dans la salle, au New York Live Arts, et je regarde The Making Room de Bebe Miller, où elle parle de la controverse Dana Schutz/Hannah Black à la biennale du Whitney. Bebe dit comme il est facile pour elle de se rappeler du moment où elle vit la photographie d’Emmett Till dans Jet Magazine, et elle décrit la charge de détails sensoriels qui accompagnent ce moment – où elle se trouvait, comment l’image fait écho dans sa mémoire selon des voies qui sont inextricablement liées à sa vie. Elle décrit des détails qui sont spécifiques, mais la manière dont elle les nomme relève de l’association. Abstraite, pourrait-on dire. Mais inexorablement personnelle. Elle ne parle pas de la peinture ; elle parle seulement de l’image originelle. Elle prend le temps entre chacune des phrases, tout en reculant, lentement, en direction du fond de scène. Nous la voyons dans la gloire magnifique et discrète de son âge. Impossible de ne pas penser au temps et à la distance qui sépare le moment où elle a vu cette image et le monde d’aujourd’hui. Tout ce qu’il y a entre.

Je suis au Metropolitan Museum of Art avec mon nouveau petit ami. Nous sommes venus pour voir l’exposition William Eggleston. En marchant dans le musée, je pense à la sorte d’image que nous renvoyons. Il est jeune, mince, noir. Je suis plus vieux, plus large, ethniquement ambigu. Je pense à ce que les gens, mes ami·es, et même moi, avons pensé de notre différence d’âge, et de nos différences en général. Nous entrons dans l’exposition, et je lui dis que je préfère que nous nous séparions pour pouvoir prendre le temps de recevoir les photographies selon mon propre rythme. Entre les images, se trouvent des citations cryptiques et détachées de tout contexte. Je me tiens devant l’une d’elles :

« Une image est ce qu’elle est, et il ne m’a jamais semblé que cela pouvait aider, de parler d’elles, ou de répondre aux questions qu’on me pose les concernant, et encore moins de livrer des informations pour en rendre compte verbalement. Cela n’aurait aucun sens de les expliquer. Ca en diminue la portée. Les gens veulent toujours savoir quand telle image a été prise, où, et même, Dieu m’en garde, pourquoi elle a été prise. Cela peut virer au ridicule. Ce que je veux dire c’est qu’elles sont là, peu importe ce qu’elles sont. »

Qui a le droit de ne pas s’expliquer ? Les personnes qui n’en ont pas besoin. Les personnes dont les subjectivités ont été naturalisées. Cela me fait enrager. Non, cela me jette dans la confusion. Et je n’ai rien contre la confusion, contre la recherche, contre le fait d’avoir à travailler. Mais l’absence d’explication est d’une certaine manière… d’une certaine manière… d’une certaine manière quoi ?

Et pourtant, si tu te refuses à t’expliquer, comme Eggleston dit qu’il n’aime pas le faire, ce qui reste, c’est le sentiment, y compris la sensation que son refus n’a fait que réaffirmer sa position-sujet. Mais il y a aussi un autre domaine du sentiment que j’apprécie. J’imagine les photographies émettant un nuage magique qui flotte, verticalement, à hauteur de l’image, dépassant la taille du cadre, mais relativement petit et d’aspect toujours changeant. Je sens l’espace entre moi et la photographie. Nous sommes attiré·es l’un·e dans l’autre, comme le rayon tracteur d’un vaisseau spatial.

Je suis assis sur un banc au milieu de l’exposition, entouré par les preuves, certes congelées, d’une vie pleine de vitalité. Une vie qui dépasse les cadres des images, même si elle y reste tout de même circonscrite. Des personnes dont les corps étaient en relation les uns avec les autres et en relation aux lieux qu’ils habitaient selon des manières que les images ne me montrent pas. Des manières dont le pouvoir, l’accès, la possibilité et la capacité à rêver à un futur étaient contraintes par les conditions économiques et les contingences raciales qui défient toute réduction dans des formes ou des couleurs. Ces vies me hantent par-delà le temps, elles entrent dans un espace fantastique que je fais à présent apparaître. Quel est l’espace scénique d’un rêve, et où les personnages vont-ils quand ils ne sont pas dans le cadre ? Dissolution, apparition, dissolution.

Avec quelles matières traverser cette crise de l’identité ? Comment en suis-je venu à être colonisé ? Et comment me suis-je rendu compte que j’avais été colonisé ? M’en suis-je rendu compte ? Comment en suis-je venu à considérer famille et origine comme violentes et menaçantes ? Comment la blanchité est-elle devenue, j’ai des frissons rien qu’à l’écrire, synonyme de sécurité – une absence de sentiment, une absence d’allégeance. Elle a fait de la place, ou du moins l’ai-je cru, pour moi. Pour un moi qui n’avait pas d’histoire.

Une autre citation d’Eggleston : « J’avais cette notion de ce que j’appelais une manière démocratique de regarder autour de soi, où aucune chose n’était plus ou moins importante que les autres. »

Je suis debout dans ma cuisine, abasourdi, déterminé, alors que j’écoute les nouvelles à la radio. J’enrage en lisant les commentaires stupides sous les articles du New York Times qui parle de genre, de race, ou de toute autre question ayant à voir avec la différence. La nuée de rage et de tristesse qui borde mon champ de vision et se heurte à ma foi dans la possibilité et dans le changement. La quantité de cette foi est-elle mesurable ? Distincte ? Quelle quantité de ce qui me constitue au niveau cellulaire participe à ce sentiment, à la matrice de la mélancolie, tandis que je rumine la litanie des injustices, personnelles ou systémiques, qui occupent ma conscience ? Suis-je un sujet ou un vaisseau, un agent ou un vecteur ?

Les lamentations d’une mère noire dont le fils a été battu à mort ne sont ni plus ni moins importantes que les lamentations de n’importe quelle autre mère en deuil, excepté ce que nous savons de l’inévitabilité de ce deuil, excepté le fait qu’en dépit de tous les efforts et de toutes les protections, le destin était pré-déterminé et pré-découpé, comme une pièce d’un puzzle prêt à se dissoudre dès qu’il est terminé, et qui se reforme immédiatement, sous de nouvelles configurations, pour reconstituer, une fois de plus, la même image.

Miguel Gutierrez.
traduit de l’anglais (états-unis) par emma b


Article originel : Miguel Gutierrez, « Does Abstraction Belong to White People ? », Bomb Magazine, November 7th 2018 ; https://bombmagazine.org/articles/miguel-gutierrez-1/

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